Les imposants panoramas des landes chiliennes, où ciel et terre se confondent à l’infini, n’inspirent malheureusement qu’une poignée de plans de Los Colonos. La beauté émanant des premières images – on y voit des ouvriers délimiter une parcelle de terrain en plantant une clôture au milieu de la pampa – se fait plus rare une fois l’intrigue lancée : le jeune Segundo est recruté pour une expédition destinée à prospecter des terres nouvellement acquises par un riche propriétaire, en exterminant au passage les natifs Onas. Si l’introduction rappelle l’épopée de Godland, Felipe Galvez bifurque vers un pastiche de western, qui multiplie les effets de style et les punchlines. Caricatures sur pattes, l’ancien soldat anglais vociférant et le cow-boy expatrié qui accompagnent Segundo font tendre le film vers un étrange second degré, où le mélange d’ultraviolence (meurtres, mutilations, viols) et de traits d’humour incongrus (un colonel écossais abat le cow-boy qui l’appelle par erreur « anglais ») témoigne d’une certaine ambiguïté.
Sous couvert de retracer l’histoire violente du Chili, Galvez multiplie les embardés narratives inabouties : après une ellipse, Los Colonos se mue en film de chambre centré sur le propriétaire terrien, avant de suivre un employé du gouvernement parti chercher Segundo pour entendre de sa bouche le récit de la colonisation. L’homme invite même Segundo à jouer dans un film documentaire sur la vie des locaux, quand bien même sa femme Kiepja, d’origine Onas, est réticente à laisser son image être capturée par des colons. La séquence, si elle ouvre une piste prometteuse sur la représentation des Natifs et la vampirisation de leur culture, produit surtout une curieuse mise en abyme : l’agent du gouvernement insiste pour dramatiser la séquence, jusqu’à s’aliéner ses protagonistes – comme Galvez, à trop vouloir en faire, le récit historique vire à la mauvaise blague.