Après un épisode tout à fait anecdotique, nous voici déjà face au troisième volet des aventures de l’homme-fourmi. Ant-Man et la Guêpe : Quantumania prolonge les tribulations de la famille élargie de Scott Lang (Paul Rudd) en même temps qu’il amorce la cinquième phase du « Marvel Cinematic Universe » en intronisant le nouvel antagoniste principal, Kang le conquérant (Jonathan Majors). Après l’exploration galactique ou le multivers dans le dernier Doctor Strange, la saga s’empare ici d’un nouveau concept séduisant : la dimension quantique, espace microscopique hors du temps que l’on avait déjà entrevu dans les précédents Ant-Man. S’enfonçant dans les méandres de la matière, cet épisode neutralise l’un des principaux attraits de la série, qui consistait à jouer sur les échelles relatives des personnages et des éléments du décor (dans le premier film, un train miniature devenait ainsi une gigantesque locomotive), mais promet en contrepartie de lancer l’armada d’images de synthèse de Marvel à l’assaut de l’infiniment petit.
De ce territoire quasiment inexploré, libéré des lois conventionnelles de la physique et donc ouvert à l’imagination, ne ressort toutefois qu’un décor générique, désolé et rocailleux, dont certaines créatures évoquent vaguement des cellules bactériennes. Jamais le concept n’infuse les scènes d’action et, à l’exception de quelques visions convaincantes de maelstroms célestes rappelant les peintures de John Martin, les paysages se révèlent interchangeables avec ceux des planètes extraterrestres précédemment visitées. Pas de dépaysement non plus du côté de l’intrigue, à moitié copiée sur celle de Tron : L’Héritage et qui recycle ad nauseam les poncifs de circonstance sur l’importance de la famille. Seule la scène de la « tempête des possibles », visuellement convaincante, puise son inspiration dans la mécanique quantique : chaque option possible qui se présente à Scott génère un double de lui, si bien que le personnage se retrouve bientôt enseveli sous des milliers de copies. Le voyage vers ce monde microscopique en début du récit constitue finalement l’une de ses séquences les plus réussies : les personnages rétrécissent à l’infini, tandis que chaque échelle de grandeur traversée permet d’apercevoir brièvement de nouveaux horizons. Comme dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness, les scènes de transition dans lesquelles on entrevoit une série d’univers parallèles restent donc les plus alléchantes, attestant par ricochet de la difficulté de la saga à pleinement investir les grandes idées dont elle s’empare.
Si Sam Raimi n’avait pas réussi à tirer plus d’une poignée de plans rafraîchissants de son Doctor Strange, Peyton Reed reproduit quant à lui pauvrement les codes télévisuels adoptés par les franchises Marvel. La mise en scène ne parvient jamais à faire coexister les comédiens et un décor numérique avec lequel ils n’interagissent pas, et dont l’incrustation baveuse laisse souvent à désirer. Hormis quelques créatures convaincantes, le film frise l’embarras lorsque des acteurs jouent, dans des costumes bon marché, la révolte populaire de tribus lilliputiennes. Il s’en remet alors au cache-misère habituel de Marvel : un humour qui feint la connivence avec le spectateur pour se dédouaner de l’absurdité des situations (notamment l’apparition de l’antagoniste secondaire MODOK, ignoble création en images de synthèse). La franchise achève ainsi son basculement, déjà entamé par Les Gardiens de la Galaxie, vers une science-fiction proche de Flash Gordon dont le kitsch aurait toutefois été remplacé par un mauvais goût impersonnel. Le premier Iron Man, dans lequel Tony Stark devait s’arracher un cathéter du nez dans une prison afghane, est résolument bien loin : Ant-Man et la Guêpe : Quantumania est un nouveau cartoon atone, inconséquent et sans fantaisie.