Alors que les Avengers sont régulièrement envoyés au casse-pipe dans des combats apocalyptiques pour la survie de l’humanité, revoilà le plus outsider des super-héros de l’écurie Marvel (Deadpool étant lui aussi, malgré son caractère iconoclaste, au service d’une cause qui le dépasse), toujours occupé à des besognes principalement locales, voire personnelles. Scott Lang, alias Ant-Man (Paul Rudd), de retour après son escapade allemande en compagnie des Avengers, est assigné à résidence, avant que Hank Pym (Michael Douglas) et sa fille Hope Van Dyne (Evangeline Lilly) ne fassent encore appel à lui pour prendre contact avec Janet Van Dyne, alias La Guêpe (Michelle Pfeiffer), coincée dans le monde quantique depuis sa mission-suicide dans le cœur d’un missile nucléaire, dans les années 1960. Et puisqu’on ne change (presque) pas une équipe qui gagne, les producteurs ont renouvelé leur confiance à Paul Rudd au scénario, collaborateur régulier du groupe comique de l’ancienne maison Apatow (Adam MacKay, Will Ferrell, Steve Carell), et à Peyton Reed, réalisateur du premier opus (alors que McKay n’apparait plus au générique).
Souvenirs d’enfance
Ant-Man et la Guêpe prolonge le schéma ludique initié par le premier opus : provoquer des visions nostalgiques et des réminiscences émerveillées — comme lorsque Luis, le partenaire de Scott, découvre, des étoiles dans les yeux, la boite de voitures miniatures agrandissables de Hank. Chaque performance épique est ainsi dédoublée de son contrechamp parodique, provoquant un contretemps burlesque (on retiendra entre autres exemples la scène de la mouette dévorant tour à tour les fourmis contrôlées par Scott, ou encore les courses-poursuites en véhicules changeant constamment d’échelle). Fusionnant donc l’acte et son imitation, l’évènement et son simulacre, cet épisode assume pleinement son statut de doublure (Scott étant lui-même la doublure de Hank, l’Ant-Man original).
Tout le film converge finalement vers cette idée d’un retour (mémoriel) à l’enfance, à l’image de la seconde séquence du film, où Scott joue avec sa fille dans une fourmilière factice fabriquée à l’aide de cartons — le point d’orgue de ce déploiement ludique étant le générique de fin, « rejouant » (selon les deux sens du terme) le film avec des figurines. Le coffre à jouets est associé ici à un coffre à souvenirs (cinéphiles), puisque invoquant certains classiques de la SF des années « Guerre Froide » — Them ! (Scott regarde le film avec sa fille, lors d’une séquence), Le Voyage fantastique (l’exploration du champ quantique par Hank Pym, qui a rendossé son costume d’Ant-Man), ou encore L’Homme qui rétrécit au gré d’une séquence drolatique où Scott, infiltrant l’école de sa fille, subit les défaillances de son costume et voit sa taille réduite à celle d’un enfant. À la différence, peut-être, des Gardiens 2, qui brassait les références au gré d’une boulimie iconique et comique, les emprunts ne doivent pas tant se comprendre comme un catalogage geek que comme un embrayeur nostalgique et narratif, puisant dans l’imaginaire kitsch et désuet des années 1950 et 1960 (époque de la création du personnage par Stan Lee, Larry Lieber et Jack Kirby).
Être un héros (aux yeux d’un enfant)
On l’aura compris, l’héroïsme d’Ant-Man et la Guêpe ne se décèle pas dans sa capacité salvatrice — panser les plaies de la Terre — mais dans sa faculté à exhiber les différents pouvoirs cinétiques de ses personnages avec un plaisir enfantin, sans entrave physique (comme l’illustre Ghost, « méchant » du film, capable de déstructurer ses cellules et de traverser les matières). Toute l’intelligence de l’écriture se situe ainsi dans sa manière de calquer les enjeux dramatiques (sauver la Guêpe) au tour de manège pour (grands) enfants. Si Ant-Man ne sauvera pas (encore) le monde, il aura au moins sauvé la jeunesse perdue de Hope, après avoir gagné l’émerveillement d’un autre enfant (sa fille), lors du premier épisode. C’est cet héroïsme-là que vise, avec justesse et réussite, la saga.