Qui viendra sauver le cinéma d’épouvante français ? Ou plutôt, qui sera capable de l’inventer, lui donner un style, une personnalité, un ton, à l’instar de nos voisins britanniques ? Comme le rock et les séries télé, les films de genre ont bien du mal à trouver de dignes représentants dans l’Hexagone. Promenons-nous dans les bois, Saint-Ange, Calvaire, Haute tension, À l’intérieur, Sheitan : les tentatives ont été nombreuses, pour des résultats allant du décevant au catastrophique – seul le terrifiant Ils, de Palud et Moreau, aura relevé le défi haut la main. Agnès Merlet, réalisatrice discrète (trois films en quatorze ans) et éclectique, s’attaque courageusement à l’exercice avec Dorothy, présenté récemment en compétition au festival Paris Cinéma. La sortie opportune du film pendant la période estivale lui confère a priori un aspect pop-corn movie pas désagréable, qui appellerait presque à un peu d’indulgence.
Hélas, à moins d’être passé à côté de tout un pan de l’histoire du cinéma d’horreur, difficile de ne pas être atterré par la candeur avec laquelle la cinéaste tente de nous faire passer des vessies pour des lanternes… Le problème ne vient pas tant de l’histoire, qu’on a l’impression d’avoir vue cent fois (mais n’est-ce pas le cas de la plupart des films d’horreur ?), mais plutôt de l’absence totale de recul de la part de la réalisatrice. En mélangeant n’importe comment des ingrédients glanés dans des classiques tel que Les Innocents de Jack Clayton (ou son bel hommage réalisé par Alejandro Amenábar, Les Autres), Psychose, Rosemary’s Baby, L’Exorciste ou le méconnu The Wicker Man de Robin Hardy, Agnès Merlet semble croire que la simple somme des codes inhérents au genre suffit pour faire de Dorothy un de ces thrillers à mi-chemin entre le drame psychologique et la terreur pure, auxquels elle aspire visiblement.
La cinéaste aurait pourtant gagné à traiter avec un peu plus de légèreté son scénario gentiment grotesque (l’histoire d’une psychiatre au douloureux passé, dépêchée sur une île au large de l’Irlande pour traiter le cas d’une adolescente dont les troubles de la personnalité sèment la zizanie au sein de sa petite communauté), au lieu de chercher à tout prix à lui conférer une ambiguïté qui sonne désespérément faux – Merlet est bien loin de la richesse psychologique du film de Clayton ou même du romantisme glacé de celui d’Amenábar. L’inévitable twist final ne parvient même pas à susciter un regain d’intérêt tant le chemin tracé par la réalisatrice et ses interprètes (coincés entre cabotinage et pilotage automatique) est balisé de bout en bout. Dans certains cas, l’excès d’ambition parait encore moins supportable que son absence, et la petite Dorothy aurait gagné à lorgner un peu plus du côté de la série B plutôt que de péter plus haut que son cul.