Dragons, premier du nom, est le DreamWorks qui a défié le reste de la filmographie du studio, le premier à s’écarter des sentiers battus lourds, autant thématiquement que graphiquement, de la boîte-à-Shrek. Depuis, les pas de DreamWorks se sont allégés – incidemment, cela intervient alors que Pixar commence à perdre de sa superbe, avec John Lasseter et Brad Bird qui semblent avoir d’autres chats à fouetter. Le temps de DreamWorks serait-il venu ? Megamind, Madagascar 3, Les Cinq Légendes, Turbo, M. Peabody et Sherman restent dans le giron pataud du studio, mais Kung Fu Panda 2, Les Croods, Le Chat potté intriguent. Dragons 2 arriverait-il donc, membre de la lignée DreamWorks la plus prestigieuse, pour asseoir le renouveau du studio ?
Dragonman
Dragons 2 reprend donc là où le premier épisode s’arrêtait : avec la symbiose entre les habitants du village viking, après des décennies de guerre entre les deux espèces. Hiccup a mis fin au conflit, avec l’aide de son dragon Toothless. À eux le vaste monde, maintenant que le vol permet toutes les explorations. Mais, à s’aventurer de plus en plus loin, Hiccup va faire plus d’une rencontre – certaines, des plus inquiétantes. Alors que le premier épisode, typique récit de réalisation adolescente, évoluait sur des rails bien connus, cette nouvelle mouture prend le risque de faire évoluer la trame par elle-même. Certaines ficelles sont attendues : ainsi, avec un grand pouvoir – celui de la symbiose avec le plus formidable dragon existant (à ce jour…) – Hiccup hérite de grandes responsabilités. L’air est connu. Le personnage de Hiccup, pourtant, constitue le morceau de choix du film : finement écrit, il outrepasse rapidement le cadre du film pour développer une véritable personnalité, crédible, réfléchie et ambiguë. On ne peut pas en dire autant de tous les personnages – Drago Bludvist, tyran grimaçant et sans profondeur, constituant le gros point faible de l’écriture. Peut-être le personnage du jeune homme doit-il beaucoup aux livres pour enfants de Cressida Cowell, dont le premier film était très librement inspiré – en tout cas, Bludvist, créé pour l’écran, semble uniforme et lisse, vidant le film de beaucoup de ses enjeux. Reste, cependant, l’univers visuel.
Le monde ouvert
Dragons premier du nom reste un des très rares films en 3D où cette forme soit légitime, voire, où elle soit authentiquement jouissive. Le dynamisme formidable des scènes de vol a occulté, avec le temps, une autre caractéristique du premier épisode : la finesse remarquable de design des personnages, à la fois très stylisés et incroyablement expressifs. Cette qualité demeure dans le deuxième épisode – à laquelle vient s’ajouter un travail époustouflant sur le design des décors, amples et somptueux. En cela, Dragons 2 fait paraître son prédécesseur étriqué presque moins abouti. Ce que le film gagne en perfection graphique, il le perd manifestement en sincérité, avec un scénario qui paraît de prime abord convenu, sans beaucoup d’enjeu, ni de panache. La voie parcourue par Hiccup dans son désir de s’approprier le monde est donc celle d’un héros sans vraiment de Némésis – si ce n’est que les véritables épreuves qui attendent le jeune homme sont bien plus touchantes qu’un triomphe simpliste sur un antagoniste. Apprendre à découvrir l’autre, à pardonner aux siens, à accepter le passage du temps : voilà la véritable quête du héros. Le méchant de service semble embarrasser tout le monde – mieux vaudra l’oublier bien vite et se laisser porter.