En 2005, l’improbable équipage de la girafe hypocondriaque Melman, du zèbre hyperactif Marty, de l’hippopotame Gloria et du lion-star de la danse et autoproclamé « roi de New York » Alex mettait les voiles vers Madagascar, où entre gags convenus et scénario mollasson, le film ne décollait pas vraiment – le quatuor de pingouins en guest-stars excepté. Autant dire que cette seconde mouture était attendue avec une infinie patience, dans la rubrique très fournie des « films de synthèse sans personnalité et qui sortent au moment des fêtes ». Heureuse surprise : grâce à un scénario bien plus finement travaillé (et l’œuvre de Etan Tonnerre sous les tropiques Cohen), Madagascar 2 enfonce son prédécesseur, et se révèle un excellent moment de cinéma.
Épisode 1 : persuadés que la vie sauvage les appelle, les quatre pensionnaires du zoo de New York Alex, Gloria, Marty et Melman décident de retrouver leurs racines ancestrales. Direction : Madagascar. Évidemment, en bons New-Yorkais, nos quatre animaux avaient quelques difficultés à s’adapter, et Madagascar premier du nom fonctionnait sur ce seul ressort comique. Le film se voulait, avant tout, une gentillette critique des Américains férus de roots mais incapables de s’adapter − une idée comique efficace, mais pas lorsqu’on l’étire sur une heure trente sans rien d’autre à se mettre sous la dent, sinon quelques délires en V.O. de Sacha Baron Cohen et les inénarrables pingouins. L’épisode 2 embraye directement : nos quatre protagonistes décident de mettre les voiles de Madagascar, direction la civilisation, dans un avion rafistolé par les incroyables pingouins. Problème : le véhicule ne fait pas long feu, et tout ce beau monde s’écrase… en plein milieu de l’Afrique, à une courte distance d’une réserve animale qui a des airs de terre primordiale. Réserve où le chef est, évidemment, le père d’Alex, qui pleure son fils enlevé par des chasseurs alors qu’il était tout lionceau. Mais lorsqu’Alex, lion new-yorkais et danseur se révèle incapable de prendre la suite de son digne géniteur, la réserve en entier est mise en danger.
Évidemment, le scénario de Madagascar 2 ne laisse rien présager de plus qu’un traditionnel discours gentiment hollywoodien autour d’Alex le lion-qui-danse-et-qui-ne-se-bat-pas-mais-qui-finalement-va-sauver-tout-le-monde-même-si-personne-ne-lui-fait-plus-confiance… Voilà donc une prédiction qui se révèle des plus fausses, car Etan Cohen, déjà responsable du scénario de Tonnerre sous les tropiques, un film bien plus fin qu’il n’y paraît, réutilise les bonnes recettes qui faisaient la qualité du film de Ben Stiller : avant tout multiplier les styles et les vecteurs de gags. Ainsi, on sait difficilement où donner de la tête, entre Melman l’hypocondriaque devenant witch-doctor des girafes les plus crétines du monde ; les amours de Gloria avec le très viril hippo Moto Moto (« un nom tellement bon qu’il faut le dire deux fois»…); l’incontrôlable et ubuesque roi Julian campé par un Sacha Baron Cohen au mieux de sa forme ; les humains new-yorkais perdus dans la réserve menée par la mégère karatéka ennemie d’Alex (« vilain minou !»); et enfin et surtout les redoutables pingouins pilotes-architectes-techniciens-patrons d’industrie.
Madagascar 2 ne souffre d’aucune des pertes de souffle du premier épisode, et l’arrivée au générique du pionnier Eric Darnell (Fourmiz, notamment) assure un dynamisme inventif au film, qui manquait au premier épisode. De plus, le sous-discours moral, de benoîtement prévisible dans le premier épisode, gagne ici une certaine (relative, tout de même) finesse, due principalement au scénario, et à sa capacité à recycler sans arrêt son potentiel comique et purement slapstick. Proche en cela du mineur mais efficace Bienvenue chez les Robinson, Madagascar 2 finit par séduire. Mélangeant rigueur dans les rebondissements de son intrigue et capacité à insuffler une dimension comique affirmée à la moindre péripétie, Madagascar 2 s’avère donc être un divertissement des plus honnêtes, certainement dénué du charme et de la finesse des meilleurs Pixar, mais cependant largement supérieur aux productions d’animation informatique habituelles de fin d’année.