C’est l’histoire d’une petite fille entraînée secrètement, et dès son plus jeune âge, pour venger sa mère assassinée par une organisation occulte ultra-violente et puissante. Brutale, mais ignorante du monde, elle va le découvrir en parcourant son chemin de vengeance, le tout avec une bande son super hype, destinée à devenir culte, et accessoirement à susciter des ventes de B.O. astronomiques. Hélas, malgré le côté Kill Bill 3 de son dernier film, Joe Wright n’est pas Tarantino. Avec Hanna, le réalisateur pourtant prometteur de Reviens-moi et d’Orgueil et Préjugés nous confirme que la débâcle du Soliste n’était pas un accident, et qu’il est sur une pente dangereusement glissante.
Pourtant, on l’oublierait volontiers, Le Soliste, pourtant, on se souviendrait plus volontiers de l’émerveillement qui nous saisit, face à la sensibilité et à la finesse des mises en scène de Reviens-moi et d’Orgueil et Préjugés. Le Soliste pardonné, l’idée de voir Joe Wright s’attaquer à la mise en scène d’un scénario d’action – projet maudit depuis quelques années déjà – était plus qu’excitante : le cinéaste saurait-il nous enchanter à nouveau ?
La déception de Hanna est à la hauteur de cette attente, d’autant plus que Wright confirme des tics d’écriture très malvenus déjà entrevus dans Le Soliste (une tendance affirmée à ne construire des univers qu’à partir de lieux communs et de caricatures, notamment). Joe Wright aurait-il une vision de publicitaire, de colonialiste incapable de concevoir le monde autrement que par le truchement des images d’Épinal ? Cela aussi, on pourrait le lui pardonner dans cet Hanna où, finalement, peu importe ce second plan, tandis que le récit se focalise sur les personnages principaux, et leurs atermoiements – un film d’action cérébral, en somme…
Certes pas un cas unique, l’idée demeure intéressante. Et, lorsque Wright se pique de dépeindre à l’écran le trouble, l’angoisse d’une jeune fille lancée dans le monde avec, comme seul bagage, un grand savoir théorique et ses talents martiaux affûtés, l’intérêt du spectateur est piqué. Se multiplient ainsi les plans de détails, les effets de montage malins : une tentative de donner corps à la peur de la jeune Hanna face à un monde d’une hostilité inimaginable, et aux séductions duquel elle n’était pas préparée. Larvé au cœur de cette proposition narrative et esthétique, se dessine un Hanna qu’on aurait eu plaisir à découvrir, à la hauteur des promesses du début de carrière de Joe Wright.
Mais, tout cela s’écroule bien vite. Cette angoisse, ce rythme trépidant, Wright l’accompagne d’une bande son, œuvre synthétique écœurante des Chemical Brothers, d’une rare inadéquation, et perpétuellement en décalage avec le film. Le scénario peine perpétuellement à donner corps à ce monde, à ses antagonistes qui virent, eux aussi, à la caricature – avec une mention spéciale aux operatives allemands, rassemblement inattendu de beaufs-en-survêt-en-visite-chez-Disney et de néonazis Bombers-et-Rangers. Cate Blanchett, elle aussi attendue dans le rôle du mastermind, ne prend jamais possession d’un personnage qui n’existe pas vraiment. Eric Bana, dans le rôle du père protecteur, s’en sort suffisamment bien, mais ne parvient pas à pallier le manque consternant de développement du scénario. Reste Saoirse Ronan, révélation merveilleuse de Reviens-moi, où elle jouait la sœur de Keira Knightley. Pour le rôle de l’innocente monstrueuse en butte à un monde trop complexe pour qu’elle y soit réellement préparée, la jeune actrice s’est entraînée avec une rigueur qui laisse à penser que ses scènes d’action sont bien de son fait – et plutôt impressionnantes. Reste qu’on ne croit pas un instant à sa révolte contre ceux qui ont présidé à son destin jusqu’à maintenant, à sa découverte du désir, de la beauté…
Cette peinture du désir si superficielle (rarement a‑t-on vu premier baiser moins convaincant), ces symboles tellement lourds qu’ils en sont ridicules (la thématique du conte et de la perte de l’innocence surtout), ce monde se réduisant aux apparences confirment bien la perte d’envergure de Joe Wright, espoir déçu jusqu’à nouvel ordre.