À la lecture du synopsis du Château ambulant de Miyazaki, on aurait pu s’attendre à une compilation des grands motifs déjà mis en scène par le maître de l’animation nippone : un étrange château rappelant celui du Château dans le ciel, un jeune personnage féminin qui va subir une sorte de voyage initiatique comme dans Le Voyage de Chihiro ou Kiki la petite sorcière. Mais, à la vision du film, ces a priori disparaissent en raison de l’originalité des thèmes abordés et de leur mise en scène.
Le scénario du film est tiré d’un récit pour enfants de la britannique Diana Wynne Jones. Miyazaki y a retrouvé des éléments de son univers, et y a greffé sa propre inspiration, des thèmes et des personnages qui lui tiennent à cœur. Miyazaki s’est donc attaché à peindre un univers à mi-chemin entre la réalité et la fantasmagorie, avec en filigrane un conflit guerrier et destructeur, dont la dénonciation n’est cependant pas très appuyée.
Cet univers est peuplé de sorcières, de démons, de sortilèges et de magie, comme en témoigne l’aventure proprement extraordinaire de Sophie, une jeune fille de dix-huit ans victime du sort jeté par l’affreuse sorcière des Landes, la contraignant à devenir une vieillarde. Thème récurrent chez Miyazaki, la transformation concerne la plupart des personnages (Sophie en premier lieu, le prince Hauru, l’épouvantail ou encore la sorcière des Landes), et apparaît tantôt comme une punition, tantôt comme un défi lancé au personnage : Hauru doit combattre son animalité, Sophie les préjugés contre son apparence.
Comme toujours chez Miyazaki, l’animation est fluide, dynamique, et emporte le spectateur avec elle. Une extraordinaire palette de couleurs nous est offerte, au gré des paysages mi-reproduits, mi-rêvés. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser au début, l’enjeu principal du film n’est pas le combat de Sophie pour retrouver sa vie et son apparence de jeune fille, mais bien sa volonté à faire le bien autour d’elle, à résoudre les problèmes des personnages que le hasard a mis sur sa route.
Lorsqu’elle parvient à atteindre le château ambulant où la solution à son problème est censée se trouver, elle oublie rapidement la véritable raison de sa venue pour devenir la femme de ménage de Hauru ainsi que la gardienne du gentil démon du feu Calcifer. Les apparences sont donc trompeuses, au niveau du récit mais aussi des personnages, puisqu’ils arborent presque tous un double visage.
Film peut-être moins troublant, moins polémique que certains autres opus de Miyazaki, il laisse néanmoins une part plus grande à la poésie et à un humour teinté de fantaisie. Finalement, c’est donc l’émerveillement qui surgit au gré des scènes enveloppées de magie. On se rend compte alors que cet univers de conte n’est que le prétexte à une exploration de quelques sentiments humains dans ce qu’ils ont de plus profond : l’amour de son prochain, la foi en la vie, le courage et l’abnégation.
Sophie devient rapidement le symbole de ces valeurs, car jamais elle ne baisse les bras. La vieillesse semble même plutôt bien lui réussir, puisque sa timidité est remplacée par de l’audace, par un regain d’énergie et par une philosophie de la vie qui lui faisaient défaut au début du film. La jeune fille rejoint donc le long cortège d’héroïnes miyazakiennes qui prennent leur destin en main et révèlent au cours du récit leur courage aux autres ainsi qu’à elles-mêmes. Peu importe qu’elle devienne princesse en s’unissant à un prince, Sophie laissera en tout cas le souvenir d’une princesse de cœur.