La Memory Box qui donne son titre au film est une boîte regorgeant de souvenirs non pas oubliés, mais plutôt à oublier. Reçue par Maia, expatriée libanaise au Québec, elle contient les photos de son adolescence pendant la guerre civile et sa correspondance avec son amie Liza, réfugiée en France, et dont elle apprend la mort récente. Sa fille Alex, contre son interdiction, s’empare du journal et découvre la jeunesse tourmentée de sa mère, qui n’en a jamais dit un mot. Le film travaille dans son premier segment la question du culte de l’apparence à travers les images, qui seraient capables de sauver les visages et les récits du temps qui passe. En témoigne ce journal photographique qui s’extirpe (littéralement) des pages jaunies du carnet pour prendre vie « devant le spectateur ». L’un des rares passages émouvants du film interroge précisément cette survivance des figures à travers les images, lorsque Maia, dans sa jeunesse, photographie en rafale son père sur son lit de mort, comme si ces quelques photos compulsives pouvaient préserver son enveloppe humaine.
De la fixité au mouvement
Pour montrer ces images figées reprendre vie, les réalisateurs usent d’une panoplie d’effets visuels volontairement vintage, jouant notamment sur le grain des photographies, les différences de formats, l’alternance entre fixité et mouvement… Ces incrustations qui participent à l’aspect résolument clipesque du film s’inscrivent plus largement dans une imagerie des années 1980, et plus particulièrement de l’univers de la musique anglophone des boîtes de nuit libanaises. Exemplairement, l’un des premiers effets faisant marcher Maia et son amie depuis leur position figée dans une photo est une citation explicite du clip de Take On Me de a-ha, dans lequel un personnage de bande-dessinée s’anime et passe dans le monde « réel ». Ces jeux visuels, comme nombre d’éléments découverts au fil de la lecture d’Alex, participent d’un culte dépassant la seule citation : il faut voir comment les appareils photos argentiques sont sacralisés, comment est soigneusement distillée la playlist de hits lors de séquences phares, ou encore comment sont utilisées les images Super-8. Memory Box finit par s’engluer dans ce trop-plein d’images dont le foisonnement nourrit un certain sentiment d’épate.