« Chirac s’emmerde ». Sous ce titre est paru en 2009 un petit livre au succès éphémère, imaginant la vie quotidienne de l’ancien chef d’État sous le « règne » de son successeur. Il faut croire qu’Anne Fontaine l’a sorti du grenier pour écrire son dernier film, tant celui-ci lui emprunte l’essentiel de son argument comique (les longues journées passées par Chirac devant la télé, l’entretien de son petit chien, son intérêt pour les arts martiaux…) pour en proposer la version deluxe, le « deux pour le prix d’un » du titre, soit : Nicolas et François s’emmerdent. C’est ainsi, un ancien président, ça s’ennuie. Anne Fontaine a cru y voir une belle matière à comédie, en s’appuyant sur le sentiment de familiarité des spectateurs à l’égard d’anti-héros qu’ils ont « adoré détester ». L’essentiel des gags repose en effet sur le grossissement de certains traits prêtés à l’un et l’autre des personnages publics (la nervosité, la rouerie et la syntaxe approximative de Sarkozy ; la rondeur, le côté charmeur et l’anormale « normalité » de Hollande), interprétés par des comédiens en roue libre (Jean Dujardin et Grégory Gadebois) dans ce qui s’apparente à un long et pénible sketch en terres corréziennes.
Face au « péril fasciste » qui ferait de la France un pays de « petites têtes blondes », et pour remédier à leur ennui, Nicolas et François décident de faire cause commune. On sait gré au film de n’avoir pas poussé bien loin le thème de l’union sacrée (le monde politique est singulièrement absent du film, qui s’achève avant même que la campagne des deux « ex » ne débute). C’est que la réconciliation n’intéresse pas Fontaine comme sujet politique, fusse sur un mode satirique, mais bien comme motif de buddy movie (les duos De Funès/Bourvil chez Gérard Oury et Depardieu/Richard chez Francis Veber faisant lointainement office de modèles), genre qui demande une mécanique autrement mieux huilée que les pitreries et les bons mots qui nous sont livrés ici. Ce ne sont pas la morale paresseuse de la fable (les hommes politiques se donnent le pouvoir pour fin, et non pour moyen, c’est là leur vice) et l’appel final à un réveil citoyen (une citation de Thucydide qui tombe sur le carton final comme un cheveu sur la soupe) qui rachèteront ce spectacle grotesque.