Après Captive en 2012, film « tiré d’une histoire vraie » (la prise d’otage de missionnaires par des miliciens musulmans), Brillante Mendoza revient avec Taklub, qui constitue un pas de plus dans cette démarche estampillée « faire de la fiction avec du réel », en réutilisant un événement traumatique de l’histoire récente du pays. Soit la destruction par le passage du typhon Haiyan de la ville de Tacloban en 2013, dont le cinéaste philippin propose d’explorer les décombres à travers une galerie de personnages rescapés. En résulte un récit pour le moins décousu et désincarné, qui donne plus l’impression de construire un patchwork de situations, comme si pour réussir à peindre la douleur de ce drame, il fallait en distribuer plusieurs échantillons représentatifs (le veuf, la mère qui a perdu ses enfants…). Mendoza déclare avoir voulu travailler avec de véritables comédiens afin de ne pas exploiter la détresse des survivants, mais choisit tout de même de tourner in situ, et calque sa mise en scène sur une esthétique du reportage en immersion.
Le film est le résultat de cette contradiction dans les termes : en tentant d’échapper au voyeurisme, Mendoza ne fait qu’accéder au sensationnel. Le cinéaste philippin possède une vision assez académique de la façon dont représenter le réel de cette catastrophe, afin de donner à la comprendre et à en ressentir les effets : avec une caméra à l’épaule tremblante et toujours en mouvement pour signifier l’urgence de la situation, ou en collant à ses personnages à l’aide de gros plans sans profondeur de champ pour figurer l’asphyxie et l’enfermement. Cet académisme est redoublé par une instrumentalisation de la misère, bien réelle, qui peuple Tacloban, en rejouant des scènes rapportées par les rescapés, avec leur propre concours en tant que figurants. Tel est le cas d’une séquence où une famille brûle dans une tente incendiée, dévoilant en gros plan les visages apeurés, puis plus tard carbonisés des personnages, révélation fracassante ne servant qu’à renforcer la tension dramatique. Il faut voir comment Mendoza se démène pour faire avancer son récit à grands renforts de tours de force émotionnels pour comprendre ses véritables intentions. Ce programme est annoncé dès l’ouverture du film qui, musique à l’appui, exhibe en un spectaculaire plan séquence les habitations détruites, et sera tenu jusqu’à la fin, avec une séquence de tempête qui fait brutalement ressurgir le spectre et la peur du typhon. On comprend mieux pourquoi le film semble décousu et désincarné : en faisant mine de s’intéresser aux trajectoires des personnages/survivants (ce que Mendoza sut faire il n’y a pas si longtemps), le cinéaste philippin ne vient pas y puiser des histoires, mais un recueil de temps forts. Une conception du sensationnel pas très éloignée de celle professée par les chaînes d’information en continu.