Peut-on huer un film sélectionné à Cannes ? La question était posée par de nombreuses personnes sur la croisette, alors que se répandait la rumeur : le nouveau film du réalisateur de John John, Brillante Mendoza, avait certes été applaudi – le consensus étant ce qu’il est, mais également sifflé, hué, avait vu des spectateurs quitter la salle au son d’un péremptoire et sonore « honte ! ». Le public de John John sera en effet surpris de ce récit en trois temps de la déchéance d’un jeune flic idéaliste dans la police corrompue des Philippines. De ces trois temps, l’exposition présente un flic en devenir, jeune et ambitieux ; une vie qui bascule dans le second temps lorsqu’il se voit recruté pour accompagner ce qui semble être une expédition punitive de la police contre une prostituée ; et se révèle dans un dernier temps devenir une séance de torture d’une redoutable complaisance visuelle. Le discours de Brillante Mendoza est clair, d’un désespérant premier degré, imprimé en toutes lettres sur le t-shirt de l’école de police de notre héros : « l’intégrité, une fois perdue, ne peut être reconquise. » 1h45 d’un travail visuel qui se veut appliqué – et qui est d’ailleurs parfois intéressant – sur l’esthétisme urbain, parsemé de références lourdes au christianisme, symbole de l’éternelle dichotomie de l’intégrité de l’homme – voilà ce que l’on peut retenir de ce film, dont la marque sur la croisette ne sera cependant rien de plus que le scandale provoqué par quelques pauvres séances de torture. Comme dans le cas du scandale d’Irréversible, tout cela n’est finalement que beaucoup de bruit pour rien.