Michael Winterbottom voudrait-il chasser sur les terres des frères Coen ? En tentant d’explorer le thème de la folie meurtrière, le réalisateur qui surprenait presque chaque année tombe ici dans l’hésitation permanente entre suggestion et démonstration directe, volontairement choquante, et, de fait, un peu vaine. The Killer Inside Me synthétise la déception que provoquent les films manquant d’un regard cohérent.
Dans le flot des films estivaux que tout un chacun oubliera bien vite, on attendait plutôt le dernier film de Michael Winterbottom, réalisateur inégal mais capable de s’engager dans des voies aussi différentes que la rêverie littéraro-cinématographique (Tournage dans un jardin anglais), la biographie politique (Un cœur invaincu) et, plus récemment, et avec succès, la chronique d’errance sentimentale (Un été italien). Sans doute las des attaques contre une demi-mesure que certains tirent vers la mièvrerie, le réalisateur britannique a, cette fois, pris le taureau par les cornes : dans The Killer Inside Me, Winterbottom fait le portrait d’un policier sociopathe, Lou, qui ne recule devant rien pour assouvir sa soif de violence, principalement dirigée contre les femmes. Blanc comme neige pour le village texan qu’il habite et qu’il protège, Lou a tout, en apparence, du bon voisin que l’on inviterait à un barbecue le samedi après-midi. Grande nouvelle : l’habit ne fait pas le moine. Le film cherche à la fois à distiller une forme de paradoxe dans le personnage de Lou qui, bien qu’incapable de cadrer sa folie, s’en repend malgré tout, mais ne s’intéresse qu’assez peu au mystère de sa détermination. Le patelin en question est truffé de petits-bourgeois bien pensants, de pater familias parvenus dans la sphère pétrolière et de représentants de l’ordre plus ou moins honnêtes… la médiocrité serait-elle le terreau des extrêmes ? La question est posée, mais devient, après coup, bien trop secondaire.
Peut-être est-ce le problème principal du film : celui-ci n’a pas réellement trouvé son thème. La violence, la gratuité, la rédemption, l’ambivalence du mal, la traque du coupable… Winterbottom hésite toujours entre un film noir dont le modèle serait No Country for Old Men et le polar classique, déséquilibré entre le désir de choquer et celui de raconter sans brûler les étapes, et sans assener trop d’évidences. Le canevas est classique : un meurtrier au-dessus de tout soupçon qu’un élément extérieur et perturbateur ‑en l’occurrence, un enquêteur de la grande ville- va pousser dans ses retranchements, sans oublier les deux amantes, havres de paix autant que révélatrices de la violence de leur cher et tendre. Mais le cinéaste ne casse que par endroits seulement ce schéma bien huilé, pour entrer dans la mise en scène du mal qui ronge Lou. Casey Affleck a effectivement tout de l’ange destructeur et reste assez irréprochable dans l’inexpressivité qui se fissure de temps à autre. Plus étonnantes étaient les présences au générique de Jessica Alba et de Kate Hudson : mais là encore, donner le rôle de la sensuelle à la première, et celui de la future épouse blessée à la seconde ne relevait pas du détournement de clichés. Il manque sans doute un peu de David Lynch dans l’utilisation des stéréotypes actoraux et sociaux pour faire de ce polar rapidement à bout de souffle un objet de curiosité, de mystère ou de réflexion. De gros plans attendus en rapides aperçus des capacités physiques de la bête, les scènes qui ont tant heurté la sensibilité, visiblement très à fleur de peau, des spectateurs du festival de Sundance, montrent bien plus qu’elles ne révèlent. The Killer Inside Me, à force de partis pris contradictoires qui affaiblissent une dénonciation de la violence banale, fait pschitt.