Il ne faut pas attendre de révolution de la part du dernier cru des frères Dardenne. Tori et Lokita est, comme attendu, un film à l’os, ciselé et dépouillé, pas sans limites, mais pas sans beauté non plus. Le film suit deux migrants qui, on le devine rapidement, font semblant d’être frères et sœurs aux yeux de l’administration belge. Le lien qui les unit est pourtant bien réel et leur permet de faire front commun face à un monde hostile peuplé de figures menaçantes : la police, les passeurs, les trafiquants de drogue… La barque est chargée, mais la manière dont s’organise la résistance du petit garçon et de la jeune fille rappelle que les Dardenne, quand bien même leur écriture semble cadenassée, peuvent parfois faire preuve d’une certaine finesse de trait.
Les séquences centrées sur Tori sont à ce titre les plus réussies : le montage, truffé d’ellipses, en fait un véritable petit passe-muraille. Ici, l’enfant passe par un trou, là, il saute d’un toit. Il permet de désamorcer, par son sens de la débrouille, la lourdeur du programme, qui télescope esclavage moderne, asservissement sexuel et critique des autorités du pays, dont la rigidité pousse les migrants dans les bras d’individus mal intentionnés. Le récit a beau appuyer son discours, il ménage aussi d’étonnantes trouvailles de composition, comme le dernier plan réunissant Tori et Lokita, qui paraissent, le temps d’une étreinte, ne composer plus qu’un seul et même corps. Bref, les Dardenne font du Dardenne : sans être complètement émus, on ne peut que reconnaître que leur méthode produit, épisodiquement, des scènes poignantes.