À mettre à côté 49e Parallèle et The Volunteer, le moyen métrage de propagande présenté en bonus de cette édition DVD, on se rend compte à quel point le premier film – le seul des deux à avoir une ambition romanesque – relève d’un cinéma d’années de guerre. On constate des liens avec Les Contes de Canterbury, notamment par son cadre martial comme par sa structure, ancestrale, de film de quête. Au fil de leur chemin, les protagonistes vont grandir, évoluer, atteindre à quelque chose qui est présent, en filigrane, dissimulé derrière les arcanes classique d’un récit d’errance.
Comme il convient à un tel récit de voyage – et non simplement de fuite –, les épreuves et les événements auront raison de la cohésion du groupe, laissant les uns sur le bas-côté, ouvrant de nouveaux horizons aux autres. Le lieutenant Ernst Hirth (Eric Portman) est la force motrice du groupe, sa figure la plus brutale, la plus intransigeante. La comparaison entre The Volunteer et 49e Parallèle, uniquement induite par les choix éditoriaux de cette édition DVD, souligne avec une intensité renouvelée ce qui est déjà largement perceptible : Powell et Pressburger entendent brosser une série de portraits humains – pour tous, y compris pour les six soldats allemands en fuite en plein milieu du Canada.
Certains d’entre eux seront vils, d’autres simplement médiocres, d’autres exceptionnellement humains – trop, finalement, pour l’idéologie à laquelle ils doivent répondre. Powell et Pressburger prennent soin de donner corps aux anecdotes qui parsèment le voyage, et qui s’accumulent comme autant de chapitre hétérogènes. Ainsi donc, de multiples rencontres : un Canadien francophone, un Américain originaire d’Allemagne, des Inuits, des Indiens natifs… Tous ont leur nationalité à cœur – comme les six fugitifs. Délicatement, comme toujours avec Powell et Pressburger, à l’exception de The Volunteer qui, pour le coup, souligne plus encore la finesse du récit, les réalisateurs-scénaristes complètent leur tableau, dessinant une société riche, bigarrée, passionnante, avec un regard à l’humanisme chaleureux qui fait parfois oublier la terreur tapie, qu’on ne distingue qu’en prenant du recul.
Car la question posée par le duo est celle-ci : comment peut-on, dans un creuset social divers et fondamentalement tolérant et bienveillant, voir exister une nécrose, un parasite tel que l’idéologie nazie, incarnée par Eric Portman ? Posée sans tambour ni trompette, la question est abordée sans haine, sans pathos, mais par un biais bien plus complexe : la patience, et l’écoute. Et la question ne trouve pas de réponse. Powell et Pressburger, ici comme dans d’autres films, préfèrent laisser le devoir à leur spectateur de se faire sa propre idée, via les multiples pistes narratives parcourues par le film. Certes, au terme du film, le bien triomphe, sous la forme double de l’Américain bonhomme et du Canadien bravache. Tout cela manque singulièrement de triomphalisme. Probablement parce qu’il n’y a pas de quoi pavoiser quand, face à l’horreur de la perversité nazie, la seule analyse honnête se révèle être : je ne sais pas.