La technologie Blu-Ray, comme d’ailleurs le Technicolor, ne visent pas à reproduire le réel, mais plutôt à le magnifier, en purifier l’image ou en accentuer les contrastes et les nuances. L’édition en Blu-Ray n’est jamais justifiée d’emblée : il faut qu’elle ait un sens. L’édition Blu-Ray du Narcisse noir, dès ses premières images, jette au visage de son auditoire une image d’une beauté telle que le doute n’est pas permis : le film était fait pour le Blu-Ray.
À contempler la palette de couleurs employée par Powell et Pressburger, leur transcription à l’écran, on ne peut qu’admirer le travail de l’équipe de remasterisation de Carlotta, mais également et surtout le travail extraordinaire de Jack Cardiff, qui collabore avec le duo depuis Une question de vie ou de mort, et dont on retrouvera le travail si reconnaissable dans Les Chaussons rouges. Gageons que Powell et Pressburger avaient avant tout su bien s’entourer : voir, pour cela, le travail extraordinaire d’Erwin Hillier dans Je sais où je vais. Les films du duo se distinguent par la qualité merveilleuse de leur photographie : raison de plus pour attendre avec impatience l’arrivée du Narcisse noir en Blu-Ray.
Non contente de magnifier superbement les scènes emblématiques du film (les décors peints, les apparitions du personnage de Kathleen Byron), cette édition Blu-Ray permet également de faire ressortir l’importance colossale de la couleur dans Le Narcisse noir : les réalisateurs semblent avoir voulu utiliser la couleur comme un miroir de l’intrigue, de l’intériorité des personnages. À ces sœurs qui voient ainsi leur foi trop séculaire bousculée par la pureté de la beauté des lieux, répondent des couleurs omniprésentes, qui semblent les isoler plus encore, rendre leurs névroses plus intenses.
En toute logique, les quelques bonus de l’édition sont également centrés sur la photographie : une grande part du making-of revient sur le travail de Jack Cardiff. Plus original, et plus intéressant encore, est le programme Spectrum, qui donne la parole à Darius Khondji, notamment directeur de la photographie de Seven, Delicatessen ou de My Blueberry Nights. Celui-ci revient, évidemment, sur le legs du travail de Jack Cardiff dans sa carrière propre, mais n’est jamais aussi intéressant que lorsqu’il parle de son expérience propre, un éclairage sur un métier du cinéma souvent oublié.
Non content d’offrir une édition splendide du film, Carlotta se permet donc, non sans finesse, de mettre sous les feux de la rampe le métier de directeur de la photographie : une démarche intéressante, dont on leur sait gré.