S’il est aujourd’hui possible de se procurer en DVD la quasi intégralité des films qu’a réalisés Orson Welles, ces éditions ne sont en revanche pas toutes dignes du même intérêt : qualité des copies, pertinence des suppléments, certaines éditions sont à préférer à d’autres. Petit tour d’horizon de la filmographie idéale de Welles en DVD.
La meilleure édition du premier film d’Orson Welles est celle éditée aux États-Unis par Warner : elle bénéficie d’un master irréprochable tiré d’un interpositif qui restitue parfaitement les nuances de son noir et blanc. Outre la qualité technique du film, on trouve dans un deuxième DVD un documentaire passionnant de deux heures intitulé The Battle over Citizen Kane qui constitue une biographie très riche du réalisateur, et revient en particulier sur les difficultés qu’il a pu rencontrer pour mener son projet à terme, le personnage de Charles Foster Kane étant très fortement inspiré par le magnat de la presse William Randolph Hearst, qui voulait faire interdire le film. À la vue de ce documentaire, on comprend mieux comment ce chef-d’œuvre a paradoxalement compromis la carrière de Welles à Hollywood.
LA SPLENDEUR DES AMBERSON (THE MAGNIFICENT AMBERSONS) (1942)
Le deuxième film d’Orson Welles est disponible en France aux éditions Montparnasse dans un luxueux coffret. En plus du film présenté dans une copie correcte, on y trouve une interview filmée de Bill Krohn, des Cahiers du Cinéma, qui resitue le film dans son époque et dans la vie de Welles, et évoque son remontage par les studios suite à des projections-tests calamiteuses : le film a été amputé de 45 minutes et une nouvelle fin a été tournée, sans l’accord de Welles. Un autre bonus valant le détour est la longue interview audio de Welles accordée à son biographe Peter Bogdanovich, qui a servi de matière à l’élaboration du livre This Is Orson Welles (Moi, Orson Welles aux éditions du Seuil).
Autre film maudit dans la filmographie de Welles, La Dame de Shanghai, dans lequel il joue aux côtés de sa femme de l’époque Rita Hayworth, est disponible aux États-Unis dans la collection Columbia Classics. Comme pour Citizen Kane, Peter Bogdanovich commente le film. Son commentaire est incontournable dans la mesure où, en plus d’être le biographe officiel de Welles, celui-ci est aussi réalisateur. Son approche du film, à la fois historique et technique, n’en devient que plus pertinente.
Après avoir mis en scène Macbeth au théâtre puis à la radio, Welles décide d’en faire une adaptation cinématographique. Un coffret de trois DVD sort au mois de décembre chez l’éditeur français Wild Side Video, qui propose deux montages différents du film, celui voulu par le réalisateur et celui imposé par la production. Un troisième DVD consacré aux bonus et comprenant notamment un comparatif des deux versions, ainsi que des extraits des versions théâtrales et radiophoniques de la pièce de Shakespeare par Welles, fait de cet objet une édition de référence pour un film qui n’avait jusqu’à présent bénéficié d’aucune édition digne de ce nom.
Passionné de théâtre, Welles s’attaque de nouveau à Shakespeare et met en scène la pièce Othello, qui obtiendra le Grand Prix du Festival de Cannes. L’éditeur français Aventi propose un double DVD contenant « en bonus » son film suivant, Mr Arkadin. Les deux films bénéficient de copies honorables et sont dénués de suppléments. Un bonus plus approprié aurait été l’essai cinématographique Filming « Othello » dans lequel Welles revient sur le tournage chaotique et étendu sur plusieurs années de son film, mais ce documentaire est hélas à ce jour toujours inédit en DVD.
Welles renoue avec Hollywood et les studios Universal le temps d’un film, l’excellent Touch of Evil, où il joue aux côtés de Charlton Heston et Marlene Dietrich. Encore une fois, le style de Welles déplaît, et le film est remonté dans son dos. Dans un mémo célèbre d’une cinquantaine de pages, Welles avait pris soin de décrire plan par plan ses volontés initiales quant au découpage de son film. Ce même mémo a servi de base il y a quelques années à un remontage « director’s cut » posthume, et il est dorénavant possible de se procurer le film dans la version souhaitée par Welles. En France, le DVD est édité par Universal.
LE PROCÈS (THE TRIAL) (1962), FALSTAFF (CHIMES AT MIDNIGHT) (1965)
Studio Canal a décidé de regrouper dans un coffret Le Troisième Homme (de Carol Reed), Le Procès et Falstaff. Le DVD du Procès, adaptation du roman de Kafka avec Anthony Perkins, reprend les mêmes spécificités que sa précédente édition : on y retrouve deux montages différents ainsi que des scènes coupées (sans son). La copie est d’une grande qualité. Quand à Falstaff, nouvelle adaptation de Shakespeare, c’est la première fois qu’il est édité en France, et il rend ce coffret indispensable. Il est regrettable toutefois de ne pas pouvoir le trouver à l’unité.
VÉRITÉS ET MENSONGES (F FOR FAKE) (1974)
Le prestigieux éditeur américain Criterion a rendu hommage au chef-d’œuvre méconnu de Welles, Vérités et Mensonges, en sortant un double DVD comprenant sur un premier disque une copie restaurée du film et sur un deuxième disque un documentaire de 88 minutes intitulé Orson Welles : One-Man Band, qui trace un beau portrait du génial touche-à-tout, évoquant sa passion pour la magie, ses méthodes de travail (Welles voyageait toujours avec sa caméra et sa table de montage) et les nombreux films inachevés qu’il a laissés derrière lui. Ces trésors appartiennent désormais à sa dernière femme, l’actrice Oja Kodar. Il est ainsi possible de voir des images de ces projets inaboutis que sont The Deep (avec Jeanne Moreau), Moby Dick (où Welles, seul face à la caméra, récite des passages du roman de Melville) ou The Other Side of the Wind (avec John Huston). Ces images sont précieuses et permettent de cerner un peu mieux pourquoi le réalisateur s’est vu attribuer un statut de « maverick » dans son pays : à trop vouloir tourner, Welles s’est parfois égaré, et en plus de l’étiquette de génie incompris, s’est vu attribuer celle d’artiste mégalomane. Une de ses citations tirée de ce documentaire permet de mieux appréhender l’homme : « The actors pretend to be modest, you know, but no magician is modest, every magician is the greatest magician in the world. »