En 2005, l’Occident découvre Im Sang-soo avec son quatrième film (après le plus confidentiel Une femme coréenne, sorti quelques mois plus tôt), The President’s Last Bang, reconstitution politique ironique et stylisée de la tentative de coup d’état qui coûta la vie au dictateur Park Jung-hee. Tout à sa découverte des cinéastes de la génération 1980, l’occident ignore donc à cette époque que la version exploitée internationalement est une version censurée, amputée du prologue et de l’épilogue, que voici restaurée aujourd’hui dans une édition luxueuse. Édition qui, à défaut de montrer le film sous un angle réellement neuf, propose au moins un nouveau master HD digne de la beauté du film.
Le nouveau montage du film d’Im Sang-soo concentre sa nouveauté dans deux séquences d’archives, attachées au film en prologue et en épilogue, et qui avaient été retirées par décision de justice suite à la plainte de la fille de Park Jung-hee, président autocratique assassiné lors du coup d’état de 1979. Revoir le film tel qu’il a été voulu par son réalisateur, tel qu’il a suscité une immense controverse en Corée du Sud, permet de mesurer combien celui-ci se singularise par rapport au reste d’une production sud-coréenne que l’on pourrait volontiers accuser de privilégier le formalisme pur à la recherche d’un véritable contenu cinématographique (tel que l’on peut par exemple le ressentir dans Lady Vengeance ou Je suis un cyborg de Park Chan-wook, ou dans A Bittersweet Life de Kim Jee-woon).
Car là où la vision de la version décontextualisée (puisque c’est de cela qu’il s’agit pour la première version exploitée au cinéma) se posait en parabole ironique sur la vacuité du pouvoir et le ridicule de ceux qui cherchent à y atteindre, ce director’s cut un peu particulier replace le film dans son contexte et affirme avec fermeté les opinions narquoises et politiquement engagées de son réalisateur. Si la première version se voit souvent taxer d’obscurité narrative – peu de spectateurs étant au fait de l’histoire de coup d’État –, c’est cette première impression d’un récit situé loin de tout engagement séculaire qui pour une part faisait la valeur de The President’s Last Bang. La seconde version accentue donc fortement l’ironie et la condescendance du cinéaste envers ses sujets.
Cela conduit-il à revoir son opinion quant à la qualité du film? Bien au contraire: d’avoir pu s’abstraire du contexte pour découvrir la brillante rhétorique d’Im Sang-soo en premier lieu a permis de situer son œuvre à un niveau autrement universel qu’une évocation de l’histoire politique sud-coréenne. Revoir le film aujourd’hui revient donc à redécouvrir ses qualités artistiques, et de comprendre plus profondément son enracinement dans son époque et dans son histoire.
Édité dans un digipack séduisant – signé agnès b. – cette nouvelle édition DVD déçoit un peu, cependant, quant au contenu annexe: hormis ce packaging très vendeur – reprenant d’ailleurs la très belle affiche de l’exploitation américaine et sud-coréenne –, le DVD ne propose guère qu’une maigre interview inédite avec le réalisateur, qui permet cependant de donner la parole à Im Sang-soo pour s’exprimer sur son œuvre. Entretien fort intéressant donc, mais peut-être trop court. On eût certainement apprécié que pour la sortie d’un film tel que celui-ci, d’une grande importance politique et artistique, eût bénéficié d’autant de soin pour le contenu connexe au film que pour l’esthétisme de son packaging.