Pour fêter les quarante ans de la Quinzaine des réalisateurs, les Cinémas Action ont décidé de lui dédier une rétrospective du 16 au 29 avril 2008 : l’occasion de redécouvrir en quoi cette sélection, en marge de la compétition officielle, est un des plus beaux viviers de talents.
La « Quinzaine des réalisateurs », devenue depuis quelques années avec les sélections de la « Semaine de la Critique » et « Un certain regard » un pilier de découverte cinématographique au sein d’un festival de plus en plus critiqué, fête cette année ses quarante ans. À l’heure où étudiants et ouvriers commençaient leur grève générale en mai 68, le festival de Cannes – très divisé à l’époque sur les événements – décide de baisser les rideaux après l’intervention de jeunes réalisateurs comme François Truffaut ou Jean-Luc Godard, solidaires des manifestants. C’est donc en réaction face à un certain festival, organisé par les autorités cinématographiques ou les associations de producteurs des pays invités que se dresse une sorte de contre-festival : la SRF (Société des Réalisateurs de Films) crée ainsi la Quinzaine des Réalisateurs, libre de ses choix, hors de la compétition internationale et donc en dehors également des sentiers battus. Il est assez curieux de constater que dès sa création, cette section parallèle n’a pas été réellement considérée comme une menace ou une provocation par le festival originel. Dès 1969, la Quinzaine défend des films qui n’ont pas reçu l’aval des autorités, qui n’ont ni la couverture publicitaire – dans tous les sens du terme – des Fellini et autres Visconti ou même des représentants de la jeune « Nouvelle Vague », ni donc les mêmes chances d’éclosion. La section indépendante, si elle a aujourd’hui parfaitement intégré le festival de Cannes, a gardé ce point de vue original et ce talent de découverte.
Subsumant genres, âges et nationalités, la Quinzaine, dès 1969, montre son ambition et sa vivacité : programmant le Calcutta de Louis Malle aux côtés de L’Été de Marcel Hanoun, elle n’en oublie pas les films slovaques, canadiens, brésiliens… oubliés, encore aujourd’hui, de la sélection officielle. Mais la sélection n’est pas seulement – et c’est déjà beaucoup – une simple vitrine pour les cinémas moins faciles, moins reconnus. Elle rend déjà en 1969 hommage à de grands réalisateurs vite exclus des sélections paillettes comme Robert Bresson qui présentait cette année-là Une femme douce. Ce sera ensuite le cas pour Philippe Garrel ou encore Paul Vecchiali. C’est à la Quinzaine que Werner Herzog présente en 1970 son premier long-métrage, comme Barbara Loden avec Wanda ou Jacques Rozier et son Côté d’Orouët… c’est aussi dans cette section que s’imposent en France les films de Nagisa Oshima, Ken Loach (Family Life en 1972), André Téchiné (Souvenirs d’en France en 1975), James Ivory (Les Bostoniennes en 1984) ou encore Jim Jarmusch (Stranger than Paradise, également en 1984). Après avoir faire naître en France un certain nombre de réalisateurs et anticipé l’émergence d’autres cinémas, comme la vague asiatique depuis une décennie, la Quinzaine est plus que jamais essentielle au Festival de Cannes qui semble depuis quelques temps se répéter et devenir un temple de la reconnaissance ultime parfois plombé par l’académisme plutôt qu’un kaléidoscope libre et pluriel du cinéma mondial.
Il suffit de parcourir le beau programme de la rétrospective de la Quinzaine des Réalisateurs qui se déroulera à l’Action Christine du 16 au 29 avril 2008 pour comprendre le rôle qu’a pu jouer cette section parallèle dans l’histoire de Cannes et du cinéma en général : Arthur Penn y côtoie par exemple sans encombre Ken Loach et les frères Dardenne (tous trois « palmés » depuis leur passage à la Quinzaine)… Gageons que la sélection 2008 sera à la hauteur de l’histoire de cette sélection qui, l’année dernière encore, avait eu le bon goût de choisir des œuvres aussi intéressantes que fragiles comme Elle s’appelle Sabine de Sandrine Bonnaire et Control d’Anton Corbijn.