Il est troublant comme certains cinéastes induisent un type d’écriture particulier. Cet article est en quelque sorte le témoin d’un combat intérieur où s’affrontent impressionnisme et désir maladroit de parler malgré tout. Le fasciné est souvent tout sauf fascinant, or c’est justement tout le talent de Schroeter que d’être le passeur de sa propre fascination. Je laisse au lecteur le soin de savoir si la passe peut ici être passée.
Dire « le cinéma de Schroeter est vibrant » veut déjà dire que je vibre, assumer que quelque chose de moi n’a pas simplement été touché par le film, mais qu’il y a été retenu captif : entre ce que le film me donne et me prend, il y a tout un jeu (qui aurait sans doute fait le délice de Lacan et sa petite chaine de signifiants en file indienne) où des images, des sensations filmiques viennent s’insérer entre mes mots, devenus dès lors incomplets, mal à propos ou plats. Si il y a une forme de sorcellerie dans le cinéma de Schroeter, c’est bien celle-là : charger le langage d’affects – le changer sans retour possible – tout en le destituant de ses prétentions rationalistes : exemple, du mot « passion », qui, s’il s’illustre de toute une galaxie intensive et inconciliable (mouvements de visages se rapprochant doucement, comme dans La Mort de Maria Malibran, violence tendue de Carole Bouquet avalant successivement trois cafés viennois dans Le Jour des idiots, feux de Malina ou errance de L’Ange noir), ne peut que douloureusement s’énoncer à quelqu’un qui n’a pas vu ces films, que comme un pauvre mot. Le cinéma de Schroeter est si irréductiblement singulier qu’il invente, outre une expression cinématographique qui n’a pas d’équivalent (même si Fassbinder accuse Syberberg d’avoir « volé » à Schroeter ses inventions), la manière même de parler de lui.
« Un visage, sous la loupe, fait la roue, étale sa géographie fervente. […] Théâtre de la peau. Aucun tressaillement ne m’échappe. […] Splendide alerte d’une bouche qui s’ouvre. Auprès d’un drame ainsi suivi à la jumelle de muscle en muscle, quel théâtre de la parole n’est point misérable. » (J. Epstein)
Belle façon de caractériser le début de Maria Malibran, et plus avant une part essentielle du cinéma de Schroeter : faire coïncider le sublime et le matériel. Dans les films de Schroeter on voit tout en même temps : grain de peau et maquillage, corps et mouvements, décor et objets rajoutés. Point de ces films aux images léchées, ces « belles images » qui ennuyaient tant Daney. Schroeter se désintéresse totalement d’esthétiser, et cette indifférence l’éloigne des Straub (qui tendent à « casser » toute prétention à ce qui ne sont au fond que des chromos, des clichés) : chez lui, un voile (comme dans Salomé) s’accroche, s’enlève, joue avec un corps, mais ne se confond jamais ; chaque élément, des faux cils au poignard, peut être clairement détaché, mener presque une existence séparée. D’où cette forme qui rejoint le camp, où le masculin travesti n’est pas la femme, mais un surplus de féminité, une parure. Ce qui explique que Magdalena Moctezuma, puisse endosser « indifféremment mais autant » tous les rôles : déesse, touriste, chasseur, roi, ou qu’Isabelle Huppert (dans Deux) puisse jouer le rôle d’une petite fille. « Si j’imagine avoir à tourner 7 films avec Ingrid Bergman, j’aurais fait d’Ingrid Bergman soit une sorcière de pain d’épice, soit un nain, ou encore une enfant star de 70 ans ou un truc dans ce genre […] Il faut rester curieux par rapport à quelqu’un. »
Les films de Schroeter ont souvent été qualifié de kitsch, car ils contiennent une part de laideur, un « mauvais goût » théâtral (qui peut être aussi celui de l’opéra) qu’on pourrait trouver ridicule, mais qui est une fois encore une résistance, un accroc matériel, et non un artefact du bon ou mauvais goût. La laideur ou la beauté n’apportent en eux-mêmes aucune vérité, mais leur mouvement commun forme ornement.
Plier, déplier
Il y a une sorte de pauvreté fondamentale du premier cinéma de Schroeter, une nudité des espaces où les quelques éléments de décorum (parfois un peu « cheap ») ont suffisamment de force pour composer, ensemble, un cadre baroque. Pour comprendre cette forme d’ornementalisation, il faudrait revenir au livre de Gilles Deleuze sur le pli et le baroque, et dire avec lui (maladroitement, car ce livre est bien complexe) : « Le baroque ne renvoie pas à une essence, mais à une fonction opératoire, à un trait. Il ne cesse de faire des plis. […] Mais il courbe et recourbe les plis, les pousse à l’infini, pli sur pli, pli selon pli. » Il n’est pas dans mes compétences de pouvoir analyser exactement le trait baroque de Schroeter, mais il y a bien dans son cinéma quelque chose du pli, d’un mouvement qui tient du ressort. Brusques arrêts de la musique, décalage des voix : Schroeter décale de quelques images le son direct, l’asynchronise, y compris lors de playbacks, créant une disjonction image/musique/voix, tirant parfois ses films (notamment Eika Katappa et Maria Malibran) vers une sorte de cinéma muet. Même lorsque Schroeter se rapproche, dans ses films ultérieurs, d’une forme plus narrative, il ne cesse d’imbriquer des scènes (à l’instar du burlesque et des comédies musicales, son cinéma est essentiellement un cinéma de scènes), de démembrer, plier et déplier les temporalités.
« Regardez les baisers, les visages, les lèvres, les joues, les paupières, les dents, dans un film comme La Mort de Maria Malibran, de Werner Schroeter. […] Il s’agit d’une démultiplication, d’un bourgeonnement du corps, une exaltation en quelque sorte autonome de ses moindres parties, des moindres possibilités d’un fragment de corps. […] Ce que fait la caméra chez Schroeter, c’est de ne pas détailler le corps pour le désir, c’est de faire lever le corps comme une pâte et faire naitre des images pour le plaisir. Au point de rencontre toujours imprévu de la caméra (et de son plaisir) avec le corps (et les pulsations de son plaisir à lui) naissent ces images, plaisirs à multiples entrées. » (Michel Foucault)
Maria Malibran est pour Foucault l’expression d’une palpitation, d’un dépli de possibilités offertes au corps. Et Schroeter ne cessera jamais de montrer cette forme de puissance des corps, laissant notamment à ses interprètes une grande liberté d’expression (en témoignent ses acteurs en interview). Dans ses premiers films, avant de se diriger vers un cinéma plus cadré, Schroeter semblait filmer dans une fluide improvisation, comme à main levée, accompagnant le mouvement, zoomant et dézoomant à l’intérieur des plans (comme le ferait un Visconti mais en moins sec, plus proche d’une danse). Les gros plans ne fonctionnent pas comme des points insistants mais comme des moments supplémentaires, d’autres mondes pouvant éclore au sein de plans plus vastes. Cette manière baroque de filmer découpe du relief dans les films, offre à chaque fois (y compris lorsqu’un plan est répété plusieurs fois au long d’un film, rejoué ou détaillé, toujours différent) une dimension supplémentaire. Ce n’est plus de la 3D, mais quelque chose de plus grand, une gamme aux multiples dimensions compossibles. Pour avoir une idée de ce que, faute de mieux, on peut appeler la « déconstruction » schroeterienne, il est intéressant d’observer ce que fait le cinéaste de pures images documentaires dans La Répétition Générale. Captant des moments de scènes (notamment la pièce Café Muller de Pina Bausch et une « scène » du danseur japonais Kazuo Ono, entre autres), il les dissémine, ébauche des rapports, des moments privilégiés où un geste s’entremêle avec une musique. À l’intérieur de son montage, il ajoute de petites scènes de son cru, où les acteurs interrogent la passion, ce que « je t’aime » peut vouloir dire. Ce film, Schroeter semble le faire croître par le milieu (idée deleuzienne, encore), le creuser et l’agrandir en dépliant les écarts, les remplissant, les écartant encore, pour atteindre une forme d’éclosion, qui rappelle la fleur jetée dans l’eau par Kazuo Ono.
Reprenons Foucault : « il y a là anarchisation du corps où les hiérarchies, les localisations et les dénominations, l’organicité, si vous voulez, sont en train de se défaire. […] Il s’agit justement de démanteler cette organicité : ce n’est plus une langue, c’est tout autre chose qu’une langue qui sort d’une bouche, ce n’est pas l’organe de la bouche profanée et destiné au plaisir d’un autre. C’est une chose “innommable”, “inutilisable”, hors de tous les programmes du désir. C’est le corps rendu entièrement plastique par le plaisir : quelque chose qui s’ouvre, qui se tend, qui palpite, qui bat, qui bée. Dans La Mort de Maria Malibran, la manière dont les deux femmes s’embrassent, qu’est-ce que c’est ? Des dunes, une caravane dans le désert, une fleur vorace qui s’avance, des mandibules d’insecte, une anfractuosité au ras de l’herbe. » Daney parlait fort à propos de « corps-énigme » chez Schroeter, car il est impossible de les cadrer, leur donner une place précise, une psychologie, ou de prévoir leur réaction. Acting out perpétuel de l’image. Les films en restent irrécupérables, car irréconciliés en leur sein (et non pas, « non-réconciliés » !), impossible à réduire, à synthétiser.
Il y a une grande beauté dans la manière dont Schroeter s’approprie une caméra, un montage, avec une absence totale d’a priori. Si son cinéma est aussi singulier, c’est qu’il ne semble avoir aucun surmoi filmique, il plonge son plaisir (comme Foucault l’évoquait) au sein de son regard, dans un grand mouvement de liberté où il n’y a plus d’autre règle cinématographique que le plaisir de faire voir et faire entendre. Pour Gérard Courant, Schroeter fait son cinéma sans culpabilité et sans complexe. Il semble capter ses plans avec une sorte de candeur moderniste : lorsqu’il filme un personnage de dos, ce n’est pas une provocation (comme pour Godard dans Vivre sa vie, par exemple) : ce plan montre simplement une autre dimension de la scène. Cinéma intransitif : aucune prétention à un message, à un sens. On peut voir (et j’en ai fait l’expérience) un de ses films sans connaître la langue, entendre une musique d’opéra sans bien en connaître le contexte, qu’importe : il reste toujours dans ces moments coordonnés une immense force d’émotion. Le dit n’est pas pour autant accessoire (et quelle intelligence de rapprochement !), mais il y a toujours une infinité de plis à découvrir, de tensions à apprécier.
Nous ne sommes pas perdus devant ces films, car en réalité, nous ne nous interrogeons pas sur ce que nous voyons. La Mort de Maria Malibran s’ouvre sur une image d’horreur (un visage aux yeux crevés met ses mains contre ses orbites tandis qu’une autre main lève le couteau qui a servi), mais étrangement très douce, accompagnée par la musique. Il y a bien dans cette incise un hommage à Tiresias (« regardez mon film avec d’autres yeux »), et en même temps, nous ne voyons pas qu’une citation ou une illustration. L’étrangeté de la scène ne nous frappe pas, elle nous accueille, elle nous pénètre, nous fait entrer dans un monde inconnu.
Au contraire du cinéma de Chantal Akerman qui nous laisse du temps pour penser, le cinéma de Werner Schroeter n’utilise le temps perdu que pour nous faire vibrer, comme un très vieil instrument baroque, tout de grincements et de tensions. Les films de Werner Schroeter naissent d’une conscience obscure, en passant par une forme qui, pour suivre les crêtes, les plis et les déliés du fil baroque, ne se présente pas moins finalement comme un numéro de saltimbanque brinquebalant, plein de sursauts, de ces mêmes petits tics nerveux qui nous échappent quand nous voudrions rendre nos mouvements gracieux et maîtrisés. Ces écarts, Werner Schroeter les garde, mais ne les utilise pas, il n’en fait rien, et les garde honnêtement. Schroeter construit des films très mis en scène, avec un découpage précis (cette précision frisant parfois le ridicule, le kitsch d’une certaine pratique de la maniaquerie), mais il arrive à dépasser son propre travail pour nous faire entrer tout ce qui ne devrait pas y être : de l’air, de l’incontrôlé, du jeu. L’esthétisme est si instable qu’il se mute très rapidement en dépassement (du « scénario », du symbolique ; du code, en réalité).
Un cinéma soutenu par le plaisir, cela induit un rythme particulier, et (au risque de frôler les pseudo-sciences), j’aurais envie de parler de « biorythme », tant les palpitations irrégulières de Schroeter semblent contenir en leur sein (comme ces plis de l’âme leibniziens) un rythme vital, corporel. Il y a chez Schroeter quelque chose qui au delà des césures, des écarts, coule, doucement, sereinement, comme une palpitation. Une déprise qui est, paraît-il, ressentie par ceux qui se suicident dans un bain chaud et sentent en même temps que la dissémination de leur sang, qu’ils « partent ». On ferme les yeux – il y a un plaisir tout particulier à fermer les yeux pendant les films de Schroeter, comme pour mettre à distance la fascination, et mieux s’y replonger avec délice, frotter encore son regard à ses images parfois pleine de douceur, et parfois légèrement granuleuses, animées de brusques sursauts (comme on dirait « des sursauts de conscience »).
Nous avons vu comment Foucault décrivait le début de Maria Malibran (« des dunes, une caravane dans le désert etc. ») : défaire les mots par la plastique induit chez le spectateur une forte difficulté à dire, et une sorte d’obligation, pour décrire les films de Schroeter, de passer confusément par un état de délire. Daney parlait de la cinéphilie comme « cette jouissance réservée à des griots, qui consiste à faire revenir en exagérant, en hallucinant. » Cette capacité à déplier les images schroeteriennes pour en faire s’échapper tout un éventail de sensations, d’images renouvelées, démultipliées, tient de l’hallucination. L’expérience du grand cinéma, expérience visuelle et auditive, est l’expérience de voir et entendre autrement, de manière neuve. Et celle des films de Schroeter (comme d’autres cinéastes dit expérimentaux) se rapproche parfois de l’expérience hallucinée des drogues, déphasant nos sensations premières. L’étrange y est ainsi immédiatement accepté.
L’hypnose
« Se retrouvant dans la rue éclairée et un peu vide (c’est toujours le soir et en semaine qu’il y va) et se dirigeant mollement vers quelque café, il marche silencieusement (il n’aime parler tout de suite du film qu’il vient de voir), un peu engourdi, engoncé, frileux, bref ensommeillé : il a sommeil, voilà ce qu’il pense ; son corps est devenu quelque chose de sopitif, de doux : mou comme un chat endormi, il se sent quelque peu désarticulé, ou encore (car pour une organisation morale le repos ne peut être que là) : irresponsable. Bref, c’est évident, il sort d’une hypnose. Et de l’hypnose (vieille lanterne psychanalytique que la psychanalyse ne semble plus traiter qu’avec condescendance), ce qu’il y perçoit, c’est le plus vieux des pouvoirs : le guérissement. Il pense alors à la musique : n’y a‑t-il pas des musiques hypnotiques ? Le castrat Farrinelli, dont la messa di voce fut incroyable “tant par sa durée que par l’émission”, endormit la mélancolie morbide de Philippe V d’Espagne en lui chantant la même romance tous les soirs, pendant quatorze ans. »
Barthes ne venait pas de voir un film de Schroeter, mais son texte exprime bien ce délassement qu’opèrent sur le spectateur les films du cinéaste. Et l’image qui par excellence pourrait symboliser son cinéma serait celle de l’éclipse. Esklepsis qui, en grec, signifiait l’abandon, le laisser hors, avant de devenir l’occultation passagère d’un astre.
On pourrait croire le cinéma de Schroeter mélancolique. C’est tout le contraire. Là où beaucoup de cinéastes vont vers la mélancolie, la perte du sens, l’irrattrapable, Schroeter, lui, en part. Sa base est mélancolique, mais cette mélancolie gagne en force, se fait dure, agressive, tenace. Elle devient une colère, une matière, un corps. C’est là son grand talent, comme si partant d’un état inconnu, d’une hypnose, Schroeter arrivait à ce que le soleil et la lune d’après l’éclipse ne soient pas tout à fait pareils à ce qu’ils étaient avant, comme s’il n’y avait pas eu qu’un simple passage au noir. Car Werner Schroeter, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas le cinéaste d’un sublime en climax, de la montée en puissance. Aucun suspense mais un perpétuel suspens : la tension est une basse continue, et ce jeu entre maîtrise et abandon, pouvoir et soumission, Werner Schroeter en fait un balancement, qui est justement peut-être la rythmique propre du baroque, son hésitation, son vibrato. Nous parlions tout à l’heure de la vibration que les films nous communiquaient. Le vibrato, ce flux vocal considéré comme une faille technique, que Maria Callas a essayé toute sa vie de diminuer, cette échappée incontrôlée de la voix dans sa tenue, a pour moi la beauté même de la prise, la perte de conscience, le rapt du spectateur.
Comme tout hypnotiseur, Schroeter est amateur de rituels, y compris dans ses histoires. Or les « thèmes » qui animent ses films, (la mort, la passion, la folie et le chant) sont les plus pourvoyeurs en rituels qui soient. Si l’on suit Claude Lévi-Strauss, « le rituel transforme l’événement en structure, et le jeu la structure en événement. » Mais il s’avère que le rituel chez Schroeter est sans cesse heurté dans son déroulement, accroché. Il se défait, et tourne (comme on dirait du lait) en jeu. Cette forme d’oscillation, ce souffle entre rituel et jeu, structure (narrative par exemple, si le film est une adaptation, tel Salomé ou Macbeth, mais la mythologie peut aussi assumer cette place, ainsi que tout cadre conceptuel, spatial etc.) et événement (le matériel), construit les films de Schroeter non via une ligne de sens transcendant, mais par addition de croyances. Le (néo) réalisme de Schroeter ne demande qu’à être dépassé par le plaisir de croire, de se laisser prendre au jeu, et donc d’accepter l’expérience hypnotique.
Ainsi, cet objet étrange que l’on ne peut appeler autrement dans les films de Schroeter qu’un objet, l’homosexualité – et son signe flou, le camp – y apparaît comme un spectre de plus, un voile superposé à l’image qui la moire, la fait scintiller, la couvre de cendre. Inutile pourtant de chercher des personnages subversifs : l’homosexualité est pauvre, difficile à unifier. Elle ne présente pas des jeunes hommes attirants ou des femmes séduisantes plongés dans ces flirts complaisants avec le spectateur (attisant le désir, mais souverainement lointains et inaccessibles), qu’on a tant vu chez Gus Van Sant (ce qui va de pair avec ses « belles images »). Elle n’est pas de mauvaise foi, elle n’excite pas : c’est une lune supplémentaire dans la tête, une zone de trouble montrée en plein cadre, parfois monstrueuse, presque terrifiante, à la limite du tactile : notre plaisir va de pair avec ce qui dans le film, nous regarde. Au lieu de nous éloigner en nous faisant désirer quelque chose de lointain, Schroeter nous attire au creux de l’image, dans l’image même pour sentir, expérimenter des plaisirs qui nous sont inconnus. Voilà pourquoi Foucault était si enthousiaste devant Maria Malibran : à l’inverse d’un désir fondé sur le manque, un plaisir, hypnotique, délirant, nous est offert si nous acceptons de nous y plonger, au risque d’une certaine déraison.