[Compétition internationale]
À partir de quelques membres du Parti National Bolchevique (PNB), la réalisatrice estonienne brosse un portrait vibrant et troublant de l’identité russe, entre son présent plombé et ses obsessions passéistes. Le PNB est un alliage rouge-brun que reflète sa bannière semblable à celle des nazis, la faucille et le marteau noirs remplaçant la croix gammée. On braille son amour pour la révolution et la mère patrie, pour laquelle on hurle : « oui à la mort !» Le geste de ralliement est au croisement du bras tendu et du poing levé.
Le cadre du simple reportage factuel sur cette formation politique est allègrement dépassé grâce à une narration éclatée, dans le temps et par la multitude de personnages, et une mise en scène minutieuse et malicieuse, même un peu farceuse parfois. Se joue entre ces protagonistes une multitude de drames russes qui renvoient à la littérature du XIXe siècle, à Dostoïevski avant tout. Un fils s’éloigne de son père, ce dernier se réfugie dans la religion. Se fomente une révolution d’opérette menée à la fois avec conviction et légèreté par des êtres malmenés par l’ordre poutinien. Il s’agit d’un film fort dans ce qu’il montre d’une Russie engluée dans ses permanences et ses obsessions, ses difficultés voire son incapacité à s’inventer un présent. La violence des rapports politiques et sociaux est au cœur de Revolutsioon, Mida ei Olnud, la Russie en a besoin, prophétise le pope ultranationaliste nostalgique de la poigne stalinienne. Cet affreux religieux est devenu le directeur de conscience du père égaré dont le corps personnifie l’étonnante passion d’être russe, réalité qui s’apparente aussi à un drame poignant.