Maux pour maux
Ecchymoses de Fleur Albert prend place dans la compétition française, il ne manque pas de charme mais on reste sur un sentiment mitigé. Des adolescents défilent devant une infirmière scolaire débordante d’humanité, une galerie des tourments adolescents est dressée ; il s’agit du lieu des bobos et le réceptacle de maux plus profonds, ceux de l’âme. On s’émeut et on sourit, mais la narration manque de respiration et de surprise une fois le film installé. Un geste cinématographique plus affirmé, en terme de point de vue et de traitement de l’espace, aurait sans doute donné plus de force à Ecchymoses.
Maux sociaux
Parador Retiro (Retiro Shelter, compétition internationale) de Jorge Leandro Colás a nécessité trois ans de tournage à Buenos Aires. Parador Retiro est un foyer qui s’avère le réceptacle de la misère et de la marginalité d’un pays qui se relève mais dont les inégalités sociales sont particulièrement creusées. Avec un repas, une douche, un foyer et des soins médicaux, l’institution permet de maintenir une certaine dignité. Le premier plan donne le ton de ce documentaire basé sur l’observation. L’immense hangar est saisi dans sa diagonale, impressionnante perspective que ces rangées de lits formant un dédale. L’état de présence au monde est parfois faible, certains produisent des constructions mentales confuses et paranoïaques. L’irruption d’un thésard permet à Jorge Leandro Colás d’instaurer à deux reprises un dispositif apparenté à l’entretien : comment êtes-vous arrivé ici ? Mais son souci est ailleurs : saisir les contorsions des corps pour se maintenir, tant bien que mal, debout et dans leur condition d’homme.
Wang Bing complet : même pas mal !
Ce n’est pas peu dire que le public est au rendez-vous pour cette édition 2009. Et quand se profile la projection du dernier film de Wang Bing en compétition internationale, L’Argent du charbon, la foule est carrément impressionnante. Le verdict tombe : complet. Mais votre obligé avait pris ses précautions… Après un détour par une fiction (Brutality Factory, segment du film collectif L’État du monde), Wang Bing revient à l’enregistrement du réel et suit la route du charbon de son extraction dans la province du Shanxi jusqu’à son débouché portuaire de Tianjin. À l’ouest des rails était basé sur un lieu, sa destruction et ses couches humaines et temporelles. Le cinéaste, en filant le train de ce charbon, se situe ici dans le déplacement entre une multitude de lieux. La caméra est toujours accroché au corps de Wang Bing, les deux entités semblent confondues pour saisir les êtres au travail, des corps noircis parfois spectraux, et la transaction commerciale sous le signe de l’invective et de l’intimidation. Un tableau stupéfiant des rapports sociaux et économiques chinois nous est livré. Un petit regret tant le travail du cinéaste chinois gagne en amplitude avec le temps, le film aurait gagné à être plus long…
Mots pour mort
Alle Kinder bis auf eines (Tous les enfants sauf un, compétition internationale) de Noëlle Pujol et Andreas Bolm est le portrait d’un groupe de gamins hongrois touché par la mort d’un des leurs, Karsci. Avec un matériau disparate (dessins, jeux d’enfants, parole) les réalisateurs explorent les différents moyens d’évocation de cet événement, à un âge, une dizaine d’années, où l’on est forcément mal armé conceptuellement pour y faire face. Parallèlement, un émouvant portrait chinois du disparu se forme. Superbe séquence dans une forêt au bord d’un lac, la parole émerge, de manière soudaine et captivante. Des mots d’enfants pour dire la mort : à la fois pauvres, durs et forts… Admirables ici par leur approche cinématographique, il se pourrait bien que Noëlle Pujol et Andreas Bolm figurent au palmarès pour le court-métrage. Ce ne sera sans doute pas le cas de Preparativi di Fuga (Preparative to Escape) de Tommaso Cotronei. Le réalisateur évoque sa Calabre natale sous la forme d’un clip démonstratif poético-musical miné par une intentionnalité de tous les instants.