En ouverture, la caméra erre lentement à travers la jungle, où une femme, souvent hors champ ou traversant un bout de cadre, est poursuivie par deux hommes qui finissent par la violer. La caméra laisse là ces personnes et reprend sa lente déambulation à travers la végétation, pendant un laps de temps tel que, lorsqu’elle retrouve les deux violeurs, morts dans une rivière, on ne peut évaluer la distance ni le temps parcourus. Après cette scène déconnectée de tout repères, nous retrouvons, dans un décor urbain, May, une jeune femme au métier très prenant. Son mari, Nop, est photographe. Ils ne se parlent presque pas, et May a un amant. Le couple part quelques jours dans la jungle que Nop veut photographier. Après avoir lentement filmé l’absence de communication, c’est le rapport de l’homme à la nature qui nous est longuement montré, à mesure que Nop s’enfonce dans la végétation fascinante. Le spectateur est alors mis dans un état d’hypnose semblable à celui du personnage. Et puis Nop disparaît, et May se met à le chercher.
On ne saura plus alors ce qui relève de la réalité ou de l’imagination de la jeune femme, qui voit son époux revenir. La forêt se charge de signes surnaturels, angoissants ou envoûtants, à la rencontre desquels se dirige May. À la beauté du voyage à travers la jungle s’ajoutent ainsi plusieurs dimensions qui l’enrichissent. La forêt est-elle enchantée, peuplée d’une nymphe, d’un arbre qui saigne ? Les hommes communiquent-ils avec des esprits ? Nop a t-il simplement été tué par un animal ? A-t-il quitté May ? L’enjeu n’est-il pas de savoir comment May va gérer sa relation à son amant une fois son mari parti ? Tout le plaisir est de ne chercher en rien à répondre à ces questions qui valent en tant que telles, mais de se laisser aller au rythme singulier, de regarder ce qu’il en est du rapport de l’homme à la nature, à son imaginaire, au surnaturel, du rapport des hommes entre eux. Il est juste dommage que le film ne soit pas plus court, car il aurait gagné en intensité.