Le plus navrant dans le dernier film de Lars Von Trier, Antichrist, ce n’est ni son coït plein cadre dès le deuxième plan du film (ah, les testicules qui ballottent au ralenti), ni ces mêmes roubignolles défoncées à coups de bûche, ni l’éjaculation sanguinolente qui s’en suit, ni sa scène de crucifixion d’un mollet à la meuleuse, ni même l’excision en gros plan d’un sexe féminin avec une vieille paire de ciseaux (je crois qu’on a fait le tour). À la rigueur, ça réveille. Non, le plus navrant c’est que, pour en arriver là – c’est-à-dire à la démission complète du film – il faille se taper pas loin d’une heure et demie d’un indigeste et inconsistant salmigondis, un dialogue « psychologisant » interminable, d’un niveau désolant, entre un homme et sa femme, isolés dans un chalet et interprétés respectivement par Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg. Mais comment en est-on arrivé là ? Eh bien, Monsieur et Madame baisaient comme des gorets – ou comme dans une pub pour un vulgaire parfum – pendant que leur enfant se trimballait seul hors de son landau. Il grimpe sur la table et pouf !… tombe par la fenêtre. Le pire, c’est qu’à cet instant, Madame avait un œil posé sur son rejeton, mais a préféré, dans le feu de l’action, ne pas interrompre son orgasme. Bon. Le travail de deuil s’amorce et, pour le mener à bien, Monsieur propose à Madame un petit week-end de restructuration à la montagne, afin de travailler à fond sur ses peurs et, peut-être, les vaincre (Madame dit craindre la forêt plus que tout). Souci pour le spectateur : Monsieur est thérapeute. Le dit-spectateur devra donc supporter des dialogues à base de : « Nos pensées déforment la réalité », ou encore : « Tu dois avoir le courage de vivre la situation qui te fait peur. » Tandis que des évènements étranges surviennent aux alentours du chalet, Madame montre des signes de plus en plus prégnants de possession et Lars écope du même coup d’un zéro pointé à sa dissertation de psycho, première année.
Pour faire passer l’indigence de l’ensemble – et permettre à son spectateur de déglutir sa purge – Lars prend soin de l’enrober dans une symbolique « marteau-piqueur » tendance débile (la virilité mise à mal : des glands tombent à la pelle sur le toit du chalet) ou tendance nébuleuse (selon une vague prophétie, la réunion des Trois Mendiants annonce la mort d’une personne ; les trois zigues sont une biche, un renard et un corbeau). Si bien que, pour élire le summum du ridicule, on ne sait plus à quel saint se vouer : la scène où Willem Dafoe, fin psychanalyste, dessine sur son carnet la pyramide des peurs où trône – suspense – le Moi ; ou celle qui voit le fameux renard se tourner vers le même Dafoe et lui confier d’une voix rauque « le chaos règne ». Dans les deux cas : rires dans la salle. Pour la signification du film, on va s’en tenir sagement à une lecture au premier degré : « la nature est l’église de Satan ». Donc, la nature est mauvaise et, par conséquent, la Femme, qui contribue plus que tout à sa perpétuation, aussi. Une mauvaise digestion de Schopenhauer (le générique de fin crédite une experte de recherche en misogynie). On aura bien rigolé.