Ouvert par la confrontation entre un puissant pitbull très menaçant, tous crocs dehors, et le corps fragile d’un homme qui essaye, péniblement de lutter contre sa peur pour laver le molosse, Dogman pouvait presque déjà être clos tant cette séquence introductive contient tout le programme du film, qui se contentera ensuite de le dérouler et l’hypertrophier. Soit, les amours chiennes entre Marcè (Marcello Fonte), toiletteur canin dont la boutique se trouve dans une zone délabrée de Catane, et Simò (Edoardo Pesce), caïd local surdimensionné qui ne se soucie pas trop de la politesse et fait régner la terreur parmi les habitants. Le problème avec ce conte-polar est son insupportable fléchage scénaristique : tous les éléments sont pensés pour justifier et faire admettre, fatalement, la phrase que le frêle héros prononce lorsqu’il s’est enfin abandonné à un accès de violence : « Je n’avais pas le choix. » De la rencontre avec un papounet simplet (Marcè participe à des concours de coiffeurs de caniche avec sa fille) à sa transformation en salaud, le film est en ligne droite, passant un à un tous les rupture clés qui lui fera choisir la barbarie comme dernier échappatoire à sa situation périlleuse.
Plus qu’une simple manipulation des personnages, Garrone exploite toutes les strates du cinéma pour achever sa basse besogne. Dogman se pare de tous les oripeaux du genre pour justifier sa violence inhérente (Italie du sud pauvre et crasse, alcool et drogue, défilés de trognes et de gueules d’acteurs, langue argotique et virilité à vif) et associe ce misérabilisme esthétisant qui instrumentalise la marge et la pauvreté à un académisme pompier de tous les instants (musique sirupeuse, photographie dorée, plans fixes sur visages affectés…). Sous l’aspect modeste du petit fait divers qui s’offre les ors du 7e art sommeille un pessimisme encore moins aimable : à défaut de ne jouir que de la violence exposée à l’écran, souvent brutale gratuitement, le réalisateur charge la barque dans la caractérisation de ses personnages secondaires, vils et rancuniers. Marcello Fonte a beau gesticuler, il ne peut sortir par le haut du tunnel d’humiliation et d’ironie que son réalisateur lui a préparée : même quand il sort de prison après avoir purgé une peine à la place de Simò, il se retrouve sous les coups de ses voisins qui l’ostracise en lui reprochant sa lâcheté et dédaigneront l’accueillir, une fois que la frontière du crime ait enfin été franchie. Le récit choral de Gomorra permettait au réalisateur d’essayer de nuancer et de complexifier les rapports sociaux et souterrains qui minaient son espace de jeu (les quartiers pauvres de Naples), le plan final de Dogman – plan large du quartier en ruines, au centre, une aire de jeu circulaire rappelle l’arène des gladiateurs qui dévoile de la morale sous-jacente du film « que la bête meure » – montre à quel point le fantasme l’a emporté.