Yomeddine raconte le voyage de Beshay, un lépreux tout juste veuf qui décide de partir à la recherche de sa famille en compagnie d’Obama, un petit orphelin nubien. Le film pèse à peu près aussi lourd (sinon plus) que son argument de départ, et permet de déplier un programme attendu, entre galerie de freaks (« Je suis un être humain ! » hurle Beshay, comme dans Elephant Man) et road-movie centré sur deux enfants abîmés (façon L’Été de Kikujiro). De ce tandem, le film tire toutefois peut-être une idée, potentiellement belle : le lépreux comme l’orphelin font la même taille, et ne peuvent appréhender comme les autres un monde qui les rejette (victimes d’un préjugé religieux pour le lépreux – « Fuis le lépreux comme le lion », dit le Coran – et racial pour l’orphelin), un monde qu’ils ne peuvent regarder que de loin (le reflet d’un bateau-discothèque sur le Nil que Beshay contemple avec mélancolie).
Pour tirer pleinement parti de ce parallélisme, il aurait toutefois fallu le filmer, ce monde, tenir les séquences, ne pas répéter les mêmes petites idées brouillonnes (plusieurs flashbacks et rêves ouatés), affronter la violence du rejet sans l’atténuer par des blagounettes qui donnent une couleur sympathique au tandem mais qui agacent par la volonté martelée du scénario de mêler lourdeur des enjeux dramatiques et légèreté des personnages, positifs malgré tout. Sauf que ce rire, poussif et artificiel, fige littéralement les figures dans un folklore, celui de « l’humanité » et des marginaux qui, peu gâtés par la vie, nous donnent une leçon d’abnégation et de courage. On peut trouver ça émouvant, mignon, gentil, édifiant, mais il serait toutefois appréciable que la sélection privilégie à un moment le cinéma à l’exotisme.