Il faut attendre la fin du prologue des Nuits de Mashhad, qui induit volontairement le spectateur en erreur, pour comprendre où veut en venir le film : il s’agit au fond d’un remake de Frenzy d’Alfred Hitchcock, à un détail près, l’arme du crime – Iran oblige, le tueur en série étrangle ses victimes à l’aide de leur voile islamique plutôt qu’avec des cravates. Le film suit parallèlement le meurtrier, père de famille bien sous tous rapports, et une journaliste qui enquête sur les méfaits de celui que la ville de Mashhad, haut lieu de pèlerinage, baptise « le tueur araignée ». Cette mise en miroir sert un objectif discursif assez limpide : d’un côté, accéder à la psyché d’un tueur qui, sous prétexte d’épurer la ville de l’immoralité qui la gangrène (il ne cible que des prostituées), assouvit des pulsions refoulées et, de l’autre, suivre le combat d’une femme émancipée au sein d’un monde d’hommes qui cherchent constamment à prendre le dessus sur elle.
L’entrelacement du polar et du film social accouche d’une morale assez grossière : le vrai criminel, au fond, ce serait le patriarcat, comme en témoigne la dernière partie du récit, portrait glaçant d’une société à la misogynie endémique. Constat juste mais un peu balourd, d’autant que l’articulation des deux trames se fait au forceps, la rencontre entre l’assassin et la journaliste ne s’accomplissant qu’à l’aide d’un énorme trou de scénario. Mais le film distille toutefois une poignée de séquences intrigantes, dans lesquelles le tueur fait preuve d’une certaine maladresse dans l’exécution de sa besogne. On aurait aimé qu’Ali Abbasi s’attarde davantage sur les gestes approximatifs de ce monstre ordinaire au lieu de multiplier les scènes et les symboles martelant son discours.