La compétition du Festival de Cannes suscite pour l’instant des émotions diverses : de l’enthousiasme, de la surprise, de la déception, et maintenant une certaine perplexité qui se lisait sur les visages de mes collègues en sortant de la séance de Nostalgia. Mais que fait donc ce film-là, aussi plat qu’une crêpe, dans la sélection la plus prestigieuse du festival ? Martone est un cinéaste mal connu en France et des spectateurs cannois. Et pour cause : la plupart de ses films, dont peu sont sortis de notre côté des Alpes, se découvrent ordinairement à la Mostra de Venise. Il n’est pas impossible que le festival, organisé neuf mois à peine après une édition historiquement copieuse en nombre de films, se soit vu réduit à racler les fonds de tiroir pour boucler sa programmation. En tout cas, c’est la seule raison logique (au-delà de la nationalité du film – la sélection obéit aussi à un jeu d’équilibrage géographique) qui puisse expliquer la présence de ce drame insipide dans la course à la Palme d’or.
Le film raconte le retour de Felice (Pierfrancesco Favino) dans sa ville natale de Naples, quarante après son départ. La redécouverte des rues de son enfance fait naître chez lui un désir (repeupler son passé, renouer avec son histoire) dont se dégage rapidement un parfum mortuaire. Il retrouve ainsi sa vieille mère pour mieux l’accompagner vers la tombe, ou arpente de nouveau les rues de son quartier, la Sanita, pour constater qu’elles sont plus que jamais gangrenées par la violence meurtrière de la mafia. Plus loin, Felice s’émeut de la beauté des catacombes, se perd dans la nostalgie des souvenirs, puis se confronte au trauma d’un meurtre qu’il a longtemps essayé d’oublier et finit par croiser son ancien ami, parrain local si redouté qu’on l’appelle le « mauvais homme ». Bref, tout le récit, qui s’étale sur deux heures sans passion ni envie, s’articule autour d’une pulsion de mort pour s’acheminer vers une conclusion que l’on voit venir à dix kilomètres. Sous le vernis d’un portrait complexe, le vide : Nostalgia est de ces films sur la nostalgie où les personnages marchent les mains dans les poches, la tête en l’air, en regardant les façades des immeubles avec un air à la fois grave et pensif. Voir Naples, et puis dormir.