Le titre de R.M.N., contrairement aux apparences, est moins cryptique qu’on pourrait le croire : correspondant à l’acronyme roumain d’IRM, il résume bien l’horizon du récit, qui scanne les pulsions racistes et violentes d’un village perturbé par l’arrivée de travailleurs sri-lankais. Le programme n’est pas sans lourdeur, en témoigne un dernier plan métaphorique appuyé, mais la méthode de Mungiu, elle, est plus sinueuse. Flottant, le film repose sur un entremêlement de petites scènes conservant une part lacunaire (le prologue où un enfant traverse seul un bois) ou qui mettent en exergue la complexité du maillage communautaire ici ausculté. Malin, le scénario brouille volontairement les pistes et dépeint un microcosme où la présence rampante du mal revêt potentiellement de multiples visages. R.M.N. est même ce que l’on pourrait appeler un film à « clignotants », dans le sens où de nombreuses scènes semblent indiquer que quelque chose d’important se joue, sans pour autant que l’on sache exactement quoi. Par exemple Csilla, l’amante de Matthias, le personnage principal, se rapproche d’un Français travaillant dans la région pour une ONG : on devine alors que le scénario ajoute une nouvelle piste, floue (Matthias a-t-il bien lu entre les lignes ou est-il simplement jaloux ?), que le film ne creusera pas vraiment. On voit un peu trop les coutures : la stratégie, indéniablement habile, consiste à semer des petits cailloux pour donner l’impression d’une profondeur tentaculaire des enjeux. Le film est en revanche plus intéressant lorsqu’il dépeint, en plan-séquence, des situations qui laissent libre cours à la parole et à l’impromptu. Ainsi d’une assemblée qui rappelle presque certains débats de City Hall de Frederick Wiseman. Si l’on devine que la scène est préparée au millimètre près, le retrait dont témoigne à ce moment-là la mise en scène permet de réellement donner vie à la communauté multi-ethnique divisée au cœur de l’intrigue.