Machtat suit le quotidien de Fatma et ses deux filles, Najeh et Waffeh, trois musiciennes traditionnelles jouant dans des fêtes de mariage à Mahdia, une petite ville tunisienne. Entre les cérémonies et les séquences consacrées à leur vie privée, la caméra de Sonia Ben Slama s’attarde sur une série d’interactions révélant les liens profonds qui les unissent, ainsi que leurs fêlures, qui transparaissent à mesure que le récit progresse. Machtat s’apparente en cela à un documentaire d’observation, en s’intéressant aux gestes du travail et de la vie de tous les jours, mais aussi à la manière dont cette famille matriarcale entretient un rapport contrarié au mariage, qui se présente à la fois comme un horizon (par exemple pour Najeh, souvent sur son téléphone à la recherche d’un compagnon) et une impasse (à chaque discussion sur le sujet, la colère et la frustration l’emportent). La précision ethnographique du film, dépouillée de voix-off ou de commentaires, tient à cette attention aux corps et aux jeux du montage, qui alterne cérémonies maritales et scènes familiales conflictuelles pour mieux les mettre en contraste. Si le film, bien que déjà court (1h22), aurait pu être encore davantage réduit à l’os, cette formule sans ambages produit souvent des scènes troublantes d’ambivalence. Ainsi d’une ultime et intense séquence de danse, dont il est impossible de savoir s’il s’agit d’une transe libératrice ou d’un effondrement lié à l’épuisement.