Rien ou presque ou ne semble lier entre eux Birth, Under the Skin et The Zone of Interest, qui brosse le quotidien de la famille de Rudolf Höss, commandant du camp d’Auschwitz et rouage important du processus génocidaire. Et pourtant, chacun de ses films-prototypes repose à la fois sur un puissant argument narratif et sur un concept porteur : une femme confrontée à un enfant se présentant comme la réincarnation de son mari défunt ; Scarlett Johansson grimée et conduisant des inconnus dans une voiture renfermant une caméra cachée ; la Shoah vue depuis le jardin d’un pavillon bourgeois, filmé à l’aide d’un dispositif inédit, mais peu perceptible à l’œil nu (les acteurs déambulent dans un décor dénué d’éclairages artificiels où n’est présent aucun membre de l’équipe technique).
L’expérience tourne ici toutefois rapidement court : Glazer a la naïveté de croire que la puissance indépassable du hors-champ suffit à rendre son installation – voilà le mot clef pour définir le film – vertigineuse. Et quand la mise en scène se fait plus interventionniste, elle fait preuve d’une certaine lourdeur. Ainsi de la récurrence de la fumée des locomotives qui défilent en arrière-plan, notamment dans une scène où l’un des fils Höss s’amuse avec son train miniature près d’une piscine. De manière assez monolithique (le film n’est pas dynamique ; au contraire, il piétine), Glazer relègue systématiquement l’horreur concentrationnaire hors du cadre ou neutralise l’image – un beau monochrome rouge qui déborde d’un gros plan sur une fleur –, mais peine à donner chair à son principe théorique. Un dispositif, idéalement, est destiné à produire quelque chose, là où l’installation de Glazer prend davantage la forme d’un réceptacle vide que l’on remplit mentalement des images indélébiles des camps.