Synopsis du dossier de presse : « En 1865, dans le sud de la France, une jeune villageoise quitte la maison paternelle pour suivre un vagabond dans les bois. De gré ou de force ? » Voici brillamment résumé le seul enjeu qui traverse le dernier film de Benoît Jacquot, une escapade érotique libidineuse sous-tendue par des symboliques très lourdes.
Imaginez un peu : nous avons d’un côté Joséphine (Isild Le Besco) à la messe, belle vierge blanche parmi les nonnes en noir, et de l’autre Timothée (Nahuel Pérez Biscayart), vagabond sale aux ongles noirs et aux chicots pourris. Première rencontre : leurs regards se croisent avec insistance, soulignant maladroitement l’idée d’un trouble à venir entre les deux, d’une attraction irrépressible. Mais qui manipule qui ? Joséphine, coincée dans ce carcan bourgeois provincial qu’elle semble ne pas supporter, voit-elle en Timothée une occasion de s’échapper ? Timothée est-il vraiment doté de pouvoirs magnétiques, prenant possession de la volonté de Joséphine pour en faire sa marionnette ? Reposant sur ce faux suspense, le film va clopin-clopant nous emmener au plus profond de la campagne ardéchoise, pour interroger progressivement la perception que nous avons des personnages. Joséphine, représentation de la virginité souillée (voir comment sa robe blanche noircit au fur et à mesure du récit), pourra s’avérer être plus effrontée qu’il n’y parait, et Timothée saura perdre de son emprise pour avouer quelques faiblesses.
Et c’est bien là que le récit pose problème : à force de vouloir jouer sur l’ambivalent « de gré ou de force », le film ne cherche à produire que des signes pouvant être interprétés dans les deux sens, alors que la narration pousse à faire évoluer les personnages d’un côté ou de l’autre de cette frontière. Vouloir tenir deux propos antinomiques en même temps équivalant à ne rien dire, il faudra donc une fatigante dernière partie sous forme de procès pour que la justice tranche et rende un avis sur la question, quitte à ce qu’il soit biaisé. Le film souffre donc de problèmes structurels, et qui sont encore plus criants en ce qui concerne la partie « au fond des bois ». La progression du récit se fait par le biais d’une multiplication de scènes érotiques, où le viol prend virtuellement la forme d’un rapport consenti. La pauvreté des échanges entre les deux personnages vient ainsi briser tout espoir d’exploration du rapport de possession, si ce n’est au travers de quelques scènes un peu toc où Timothée manipule Joséphine comme une marionnette.
Après quatre films ensemble, Jacquot et Le Besco semblent avoir fait grandement le tour de leur collaboration, et cela se ressent à l’écran. À l’image de son personnage, Le Besco est réduite à l’état de pantin, dans un jeu malsain de dévoilement constant de son intimité corporelle. Son jeu outré et sa moue boudeuse virent ainsi très souvent au grotesque. Elle subit finalement ce qui arrive à beaucoup de comédiens : se retrouver enfermée dans un carcan type de rôle. Ici, c’est celui de l’adolescente post-pubère suscitant un désir libidineux, et l’on tend à penser que le regard du réalisateur n’y est pas pour rien. Au fond des bois ne subsiste en dernier lieu qu’une seule chose : la soumission d’une femme au diktat d’une image perverse, et dont elle ne cherche aucunement à s’échapper.