Pour ce début d’année, l’INA réédite son ouvrage sur le cinéma de Benoît Jacquot, après une première parution en 2006. Si l’on met de côté la série d’entretiens conduite par Gisèle Bréteau Skira pour les éditions Séguier en 2011, il s’agit là du premier ouvrage réalisé sur l’œuvre même du cinéaste. Et c’est peut-être d’ailleurs à ce niveau que le livre pèche. Si l’entretien mené par Xavier Lardoux dans la première partie de l’ouvrage est des plus passionnants, la seconde partie peine malheureusement à dégager les diverses problématiques traversant l’œuvre de Benoît Jacquot.
Quelle forme adopter pour parler d’un cinéaste aimé ? C’est sans doute la première question que se pose tout auteur désireux de partager sa passion pour un réalisateur, et la plus épineuse. Passionné par le cinéma de Benoît Jacquot, Xavier Lardoux l’est très clairement. La seconde partie de son ouvrage en témoigne amplement, mais malheureusement de façon maladroite et sans grande précision. Loin de l’essai et adoptant plutôt une forme monographique, cette partie – celle qui pose problème – reprend l’intégralité des films de Benoît Jacquot dans un classement d’abord thématique : les films de cinéma, les films de télévision (comprenant eux-mêmes les sous-catégories « Documentaires », « Films de théâtre » et « Fictions ») ; puis chronologique. A chaque film son chapitre. Il est bien venu de s’interroger sur la pertinence de ce classement, nous rappelant l’importance d’une bonne structure. Dans cette partie, Xavier Lardoux s’attache à résumer l’intrigue de chacun des films abordés et rapporte le témoignage des artistes et techniciens ayant travaillé avec Benoît Jacquot. Le programme est alléchant. Mais le résultat est trop hâtif, manque de maturation et tombe finalement dans l’anecdote. Nombreuses sont les personnalités ayant répondu à l’appel. Des premières collaborations (Dominique Sanda, Isabelle Huppert etc.) aux plus récentes (Léa Seydoux etc.), les marques d’affection et d’admiration ne manquent pas, mais sont trop brèves et omniprésentes, si bien que l’on a rapidement l’impression d’avoir affaire à un pot-pourri sans queue ni tête.
Gardons le meilleur pour la fin. La première partie, qui compte une préface d’Isabelle Huppert, une introduction et un entretien avec le cinéaste, est ce que l’ouvrage recèle de plus intéressant. L’essentiel du cinéma de Benoît Jacquot, en termes de style, est posé dans ces pages. On retiendra deux choses. Son adoration des acteurs, et plus particulièrement des actrices, cœur fondateur de son œuvre : « Quand l’acteur a une réalité très forte dans le paysage du cinéma, on peut faire le film dans la perspective de cet acteur. Le scénario est alors une espèce de lettre à l’acteur. L’acteur me répond en jouant et c’est cette réponse que je filmerai ». Et le regard qu’il porte sur les autres arts, qu’il a filmé toute sa vie dans une visée impure du cinéma, qui « fait feu de tout bois », selon son expression. Benoît Jacquot a réalisé des films de théâtre (La Fausse Suivante, Elvire Jouvet 40, Par cœur), de danse (Merce Cunningham), d’opéra (Tosca), mais également de peinture (L’Atelier de Motherwell) et de photographie (Dominique Issermann). C’est cette entrée en matière que l’on retiendra de l’ouvrage de Xavier Lardoux. La suite, trop élogieuse, passe à côté de l’essence du cinéaste qu’elle entend célébrer, le panégyrique n’étant pas le moyen le plus fécond pour parler de l’œuvre d’un artiste, dont l’hommage nécessite la précision du propos. On regrette ainsi que l’auteur ne se soit fixé sur une forme unique, en se tenant à l’entretien par exemple, exercice avec lequel il paraît plus à l’aise et qui donne lieu à la partie la plus féconde.