Les papes de la comédie scato-régressive sont de retour avec un film qui traite des joies (et désagréments) d’un célibat retrouvé pour deux trentenaires mariés qui, comme le veut l’usage chez les frères Farrelly, pensent plus avec leur b… qu’avec leur cerveau. Malgré une volonté affichée de donner dans le subversif, B.A.T. peine à se départir de son programme de comédie « à l’américaine » à la morale gentillette, où les valeurs familiales s’affichent comme étendard de la bien-pensance.
Dans le monde des frères Farrelly, les hommes sont de grands gamins attardés qui ne pensent qu’à mater le postérieur des jolies filles, pendant que leurs femmes tentent de les faire rentrer dans le droit chemin. Exaspérées par leurs frasques, Maggie et Grace (Jenna Fischer et Christina Applegate) décident de laisser le champ libre à leurs maris (Owen Wilson et Jason Sudeikis) sous la forme d’une semaine hors mariage. Pour donner corps à ce postulat, les Farrelly griment Owen Wilson en trentenaire dépassé (chemise à carreaux et T‑shirt « Harvard ») et font de Maggie et Grace deux potiches en robes chastes, sur lesquelles on se retournerait à peine dans la rue. Confrontées à la plastique des jeunes filles en fleur (que le film ne cesse de dévoiler progressivement), ces deux-là ne font plus le poids. Après une mise en place un peu laborieuse pour amener à justifier le départ des deux épouses, voici donc le vif du sujet : que peuvent donc bien faire deux maris débarrassés de toutes attaches conjugales, et dont la libido ne demande qu’à rugir à nouveau ?
D’un argument comique plutôt excitant sur le papier, c’est peu dire que les Farrelly n’en font finalement pas grand-chose. L’objectif de Rick et Fred est clair et simple : draguer et coucher avec une femme d’ici la fin de la semaine. Pourquoi pas ? Seulement, ils passent un bon bout de temps à glander sans oser franchir le pas : premier soir, une bonne bouffe entre potes, deuxième jour, défonce au space cake sur un green de golf, troisième soir dans un bar, trop saouls pour faire quoi que ce soit. Les Farrelly livrent une vision plutôt limitée d’une gent masculine définie comme veule et lâche, au service d’une entreprise ultra-conformiste visant à prouver que le bonheur ne peut se trouver qu’auprès de sa chère et tendre. Ce discours nauséeux est redoublé par la trajectoire des deux épouses, qui partent en vacances au bord de mer et se trouvent entourées de splendides jeunes joueurs de baseball, dans ce qui ressemble à une version soft de « L’Île de la tentation ». Prenez garde messieurs, ne laissez pas traîner vos épouses n’importe où, elles risquent de se sauver avec le premier venu. Les Farrelly creusent un sillon qui, sous couvert de comédie, s’avère assez déplaisant dans la mesure où il valide un discours majoritaire et convenu : l’humiliation et la désillusion pour les hommes en chaleur, les vertus de la raison et une certaine tendance castratrice pour les femmes. Une vision pour le moins conservatrice, et qui tout en donnant le « beau rôle » aux femmes, ne fait que les réduire à un statut de régulateur policier.
Les Farrelly n’ont pas pour autant perdu leur verve en ce qui concerne les gags scatologiques et les amateurs de comédies en dessous de la ceinture en auront pour leur argent. Mais tout ceci ne semble être que la poudre aux yeux visant à masquer la tendance moraliste de comédies comme la série des Mon beau-père et moi ou encore Very Bad Trip. Ici, lorsque le bon père de famille se retrouve face à la possibilité de valider son objectif (qui se présente sous la forme d’une blonde à forte poitrine), il ne peut que faire marche arrière. Ou lorsque c’est la femme qui trompe son mari, le tout est recouvert d’un voile chaste qui ne prend aucunement en charge les conséquences d’un tel acte. Prendre le risque de chambouler la situation, tenter d’explorer le plaisir coupable de l’adultère, voilà un costume bien trop grand pour les petits provocateurs que sont les Farrelly. Ils n’ont pas l’audace de poursuivre le même but trivial que leurs personnages : le film résulte finalement d’une écriture contrariée, où les auteurs forcent leurs poupées à rentrer dans le rang.