Réalisateur et producteur prolifique, Johnnie To affirme à propos de Breaking News avoir voulu rompre avec le traitement classique des films policiers à Hong Kong. Une filature qui tourne mal et des policiers ridiculisés par des voyous servent de point de départ à un face-à-face physique et médiatique entre forces de police et gangsters retranchés dans un immeuble. À partir des éléments de base du genre, To réalise un film d’action qui laisse aussi la part belle à l’humour et à la dérision. Loin de perdre son identité, le film d’action trouve ici une nouvelle dynamique et de nouvelles perspectives.
Réaliser un énième film de gangsters n’intéressait pas Johnnie To. Il s’est alors lancé le défi de réaliser un film d’action tout en renouvelant le genre, et en y apposant sa griffe. Au fil de sa carrière, To a réalisé des films dans des registres très différents : comédie, mélodrame, films d’action. Breaking News a donc été influencé par cette diversité, To puisant des éléments dans chaque genre pour créer un ensemble hétérogène, mais néanmoins cohérent. À certains égards, le film peut s’apparenter à un immense terrain d’expérimentations, le but étant de trouver ce qui fonctionne, et ce qui alimentera la future esthétique des films hongkongais. Ainsi, le choix des acteurs constitue un véritable défi : ces derniers sont en effet d’anciennes stars de la pop ou des acteurs plus habitués aux mélos. To a voulu ainsi conserver le sentiment d’urgence et le réalisme propre aux films d’action, tout en y greffant d’autres éléments susceptibles d’apporter un renouveau.
Pour ancrer son film dans son époque, le réalisateur a choisi pour toile de fond une problématique contemporaine : la puissance grandissante des médias et la manipulation des images. Si la police a été atteinte dans sa crédibilité, c’est parce que des images de leur défaite ont été diffusées à la télévision. Un policier ayant levé les bras devant un gangster et demandé grâce a particulièrement choqué la population. Rebecca, capitaine de police, décide alors d’exploiter les affrontements entre la police et les malfaiteurs pour diffuser des images sélectionnées destinées à redorer le blason de la police. « Nous allons leur montrer du grand spectacle », répète-t-elle à l’envi, oubliant parfois qu’elle dirige une opération de police et non qu’elle réalise un show télévisé. Les gangsters ajouteront cependant leur grain de sel en balançant d’autres images, plus conformes à la réalité, sur Internet. Ceux qui s’attendaient à une charge virulente contre les médias et leurs dérives seront déçus : To veut ici rendre compte d’une réalité plutôt que de la dénoncer. Même s’il bouscule gentiment les médias et montre certaines de leurs failles, il ne les condamne pas.
Si l’audace fait un peu défaut au fond, elle est cependant présente dans la forme. To cultive en effet un style très vif, et sait mettre en valeur les scènes d’action (surtout à partir du moment où les gangsters sont dans l’immeuble), en opérant une alternance entre les moments de tension et les moments plus relâchés, voire humoristiques. Breaking News se situe alors entre le film d’action et la comédie policière, en tirant le meilleur parti de chacune des deux influences. C’est probablement la bande-son du film qui relie les deux univers. Ni musique grandiloquente ou stressante de film d’action, ni musique de divertissement, elle privilégie les percussions et les rythmes modernes. Omniprésente, elle permet tantôt de souligner l’action tantôt de relâcher la pression. Elle se situe donc dans ce style intermédiaire que To tente d’apprivoiser.
L’action fait une entrée fracassante dès l’ouverture du film, un plan-séquence de sept minutes, qui a pour objectif de placer le spectateur et les acteurs dans le feu de l’action. La caméra observe d’abord les protagonistes, met en place les différents éléments, avant de capter la frénésie de la fusillade et sa débauche de coups de feu. La mise en scène, d’une manière générale, oscillera entre deux tendances : instaurer une distance, à travers des plans en forte plongée, ou au contraire nous propulser au cœur des événements. To fait également une utilisation intelligente du split-screen, procédé qui consiste à couper l’écran en deux pour montrer deux actions simultanées. Le réalisateur fait donc preuve d’un style d’une réelle aisance, qui fait oublier les quelques faiblesses du scénario ainsi que la psychologie trop peu développée des personnages. Par ailleurs, le réalisme et la dureté des situations sont parfois contrebalancés par un filtre humoristique, surtout présent à travers des sortes de parenthèses dans le récit, comme par exemple la scène du repas dans l’appartement des otages. Le paroxysme est atteint avec la distribution des paniers-repas aux journalistes et aux policiers. On se trouve alors à cent lieues du film d’action, pour plonger dans la dérision. S’éloignant ainsi des stéréotypes du film d’action, To propose une œuvre qui divertit intelligemment, et qui apporte le renouveau escompté au cinéma de Hong Kong.