Si Climax, le nouveau film de Gaspar Noé, s’amuse à mélanger les génériques (deux de fin : l’un au début, l’autre au milieu), il suit toutefois une structure narrative assez claire : d’abord le Paradis puis l’Enfer, d’abord le rêve puis le cauchemar, d’abord la vie puis la mort. Le film raconte une soirée qui commence bien avant de mal tourner, sans pour autant que l’irruption de la violence et de l’horreur apparaisse comme le strict négatif de la première partie. Le meilleur tient dans la mise en place, lorsque la pulsion de vie (la danse, la tchatche) se voit comme déjà nimbée du spectre de la mort à venir par l’horizon de la dépense : Noé alterne plans-séquences chorégraphiés et scènes de dialogues au contraire entrecoupées de petits noirs, de sorte que le cadre de la soirée se divise véritablement entre le mouvement (la danse, que Noé filme sans couper) et l’immobilité (les dialogues des personnages, discutant à deux ou en petit groupe de leurs camarades, dans une perspective où les mots mettent à mal l’harmonie des corps).
Reste que ce dualisme un peu sommaire est forcé par Noé qui, le temps d’un raccord entre un insert sur un vinyle et un plan où la caméra surplombe les personnages, souligne sa volonté d’organiser une danse entre la vie et la mort. C’est le côté métaphysique neuneu du cinéaste : jouir c’est déjà mourir (la petite mort), la vie est dans la mort et la mort dans la vie (la première scène, où un mouvement de caméra permet de passer imperceptiblement du blanc de la neige au blanc d’un ciel d’hiver), dans un mouvement circulaire qui implique à plusieurs reprises de filmer à l’envers. Dommage que l’emballage faussement dissonant et le schématisme de la structure alourdissent ce que le film parvient à accomplir (capter l’énergie d’un groupe) et son mauvais esprit parfois amusant (tout ce que le film organise autour d’un petit garçon présent). La fin, où la caméra à l’envers s’avance vers l’embrasure totalement blanche d’une porte, et le dernier plan, qui s’attarde sur un visage progressivement ravalé par un fond blanc, enfoncent le clou et mettent en exergue la pauvreté de l’emballage mystique dans lequel se perd le film.