De façon inattendue, le dernier Delépine et Kervern s’ouvre sur des vitraux d’église, au son des vocalises hallucinées de Nina Hagen. Naturträne, hymne romantique et punk, accompagne le défilé du générique, tandis qu’entre des carreaux de verres multicolores aux contours irréguliers se dessinent peu à peu un morceau de fleur, des feuilles et des oiseaux. Cette entrée en matière, décalée mais inquiète, jure apparemment avec le ton de la farce exubérante qu’elle annonce, portée par un tandem comique inédit (Jonathan Cohen et Vincent Macaigne). Elle précise pourtant d’emblée l’horizon et l’utopie sous lesquels se place le film, avec ses allures bariolées, kitchs et souvent graveleuses : celui d’une réunion et d’une communion des humains, entre eux et avec la nature. L’argument burlesque est assez savoureux : un maire de droite et un maire de gauche, qui se prennent le bec au sujet de la construction d’un parc de loisir sur le site d’une forêt millénaire, se retrouvent, dans des conditions qu’on passera sous silence, littéralement collés l’un à l’autre, et doivent, bon gré mal gré, apprendre à marcher « en même temps » comme un quadrupède.
Le principe est malin, mais le film parie sur ce numéro d’équilibriste sans vraiment parvenir à plier sa mise en scène à cette gymnastique délicate. La balance penche du côté de Cohen, dont la vigueur et la volubilité laissent peu de place au clown triste (et de fait c’est bien le maire de droite qui marche ici au plaisir et à la jouissance), mais c’est surtout un défaut patent d’écriture qui rend l’ensemble inconséquent : en accumulant les vignettes tournant en dérision les petites névroses et les excès supposés du militantisme écologiste et féministe contemporain (le tout sans jamais dépasser le lieu commun), Delépine et Kervern ne livrent qu’une satire politiquement gâteuse et échouent à raviver la flamme d’un cinéma sensuel et libertaire. Punk not dead ? Peut-être, mais pas sûr que le regard doucement paternaliste que le film porte sur les luttes de la nouvelle génération, dans l’ultime séquence, en nourrisse les braises.