Le nouveau film de Christian Petzold entend explorer, dans un parallèle hasardeux, les blessures narcissiques de jeunes adultes et leur éco-anxiété (causée en l’occurrence par les incendies consumant un peu plus les forêts chaque été, d’où le « ciel rouge » du titre). Leon (Thomas Schubert), jeune écrivain qui peine à trouver l’inspiration, y part travailler au bord de la mer, dans la maison de vacances de son ami Felix (Langston Ulibel). Par des dialogues souvent lacunaires et énigmatiques, la mise en place du récit ménage une étrangeté diffuse mais quelque peu artificielle, cultivant l’impression que l’arrivée dans la maison va charrier son lot d’événements déconcertants. Le film lorgne alors presque vers le fantastique, par la manière dont il cherche à faire affleurer l’anormal au sein d’une réalité pourtant familière. En témoigne la manière dont Nadja (Paula Beer), une connaissance de la mère de Felix qui, à la surprise des garçons, séjourne également dans la maison, se greffe progressivement au récit. Sa présence s’annonce d’abord à travers des vêtements qui traînent dans une chambre, puis par des sons off (lorsque ses ébats, la nuit, réveillent les garçons) et de brèves apparitions de dos.
Peu à peu, le film abandonne pourtant le terrain du mystère en faveur d’une comédie dramatique où les conversations trahissent les désirs et les rivalités structurant les relations entre personnages. Le cinéaste semble hésiter entre plusieurs directions (les effets psychologiques du changement climatique, la peinture des affects recomposant le groupe, etc.) qui s’articulent in fine autour du portrait acerbe de Leon. Manifestement incapable d’introspection, l’écrivain se révèle aussi insensible à son entourage (qu’il s’agisse de Nadja, dont il est pourtant amoureux, ou de son éditeur atteint d’un cancer) qu’à l’environnement (à la différence des autres, il ne semble jamais vraiment s’inquiéter des incendies). C’est le jeu monotone de Thomas Schubert, tout en soupirs et en mouvements empesés, qui pointe vers la dépression larvée dont le jeune homme semble souffrir. Une réplique appuyée de Nadja finira par désigner encore plus explicitement ce trait de caractère de Leon comme le véritable sujet du film, lorsqu’elle finit par craquer face à l’inertie de l’écrivain. Si en détaillant l’égocentrisme borné du personnage, Le Ciel rouge cherche à produire une satire très littérale de la masculinité toxique, il donne surtout l’impression d’accumuler avec opportunisme les signes du temps sans parvenir à leur donner forme.