Depuis maintenant dix ans, Disney revisite ses classiques avec à chaque fois le risque, inévitable, que la nouvelle version souffre de la comparaison avec l’originale. Qu’en est-il pour Mulan, qui transforme la fable musicale de 1998 en une fresque épique ? Privée des couleurs vives, des passages chantés et des relents cartoonesques de l’original, cette nouvelle mouture délaisse volontairement ce qui faisait le sel du film d’animation, sans toutefois parvenir à remplacer ces éléments par quelque chose de plus convaincant. En témoigne le destin regrettable de Mushu, un dragon bavard qui, dans dans la première version, travaillait de façon spectaculaire ses apparitions (par des jeux d’ombres et de travestissement) et associait dans ses gags la magie de l’animation à la tradition du théâtre exorciste chinois (avec la tête d’une statue en guise de masque ou un soldat de paille manipulé comme une marionnette). Revirement exemplaire de la tournure trop sérieuse que prend ce nouveau film : l’esprit boute-en-train est remplacé par un phœnix muet, une figure secondaire traversant les cieux à deux ou trois reprises et qui n’a qu’une valeur symbolique (la renaissance de l’empire en même temps que la rédemption de Mulan). Il en va de même pour certaines scènes marquantes du premier film, étonnamment absentes. On pense par exemple à la réunion des esprits de la famille Hua au début du film de 1998, stupéfiante assemblée animiste avec laquelle il y avait fort à faire à l’aide des outils numériques. On pourrait ainsi continuer la liste longtemps, imaginer ce que le film aurait pu être. Dans les faits Mulan est bien un film raté, une fresque guerrière fade et quelconque, qui même sur le terrain très convenu du récit d’apprentissage manque de substance et de cohérence. Le film ne sait que faire de sa portée féministe, balloté entre la célébration nationaliste (qui implique un certain respect des valeurs patriarcales – maintenir son rang et honorer son pays au combat) et le récit d’émancipation féminine post-MeToo (qui implique justement de déconstruire ces valeurs, voire de les détruire). De ce divertissement atone, décevant au regard des moyens faramineux qui y ont été investis, ne reste alors qu’un somptueux générique de fin, une série de raccords sur des images bichromes en noir et rouge, où brillent des jeux de miroirs et de transformations. Pas assez pour masquer le spectacle insipide qui vient de s’achever, avec le plus mauvais des remakes live-action Disney.