Si le double titre du long film de Koji Fukada préfigure bien les mouvements de va-et-vient qui le structurent, il s’avère en revanche trompeur dans la manière dont il suggère une construction en diptyque : Suis-moi je te fuis, auquel répond Fuis-moi je te suis, ne sont pas des films aussi symétriques que ce que l’on veut nous faire croire. Le premier mouvement dure en réalité près de 3 heures 30, avant de voir enfin la promesse de renversement se réaliser dans la dernière demi-heure du second film. Dans le – très – long acte inaugural, on voit ainsi se rejouer sans cesse une même dynamique : Tsuji (Win Morisaki) succombe à la fascination qu’Ukiyo (Kaho Tsuchimara) exerce sur lui, mais dès qu’il a l’impression d’enfin parvenir à l’appréhender, elle disparaît. Fidèle au programme annoncé par le titre, la mise en scène souligne le caractère insaisissable des personnages par un effet récurrent : un très léger zoom avant, qui tente de s’approcher d’eux (pour incarner le désir de les décrypter) tout en demeurant nettement à distance (pour signifier l’échec d’une telle préhension). L’exploration de l’impossibilité qu’il y a pour Tsuji et Ukiyo à véritablement se rencontrer repose néanmoins avant tout sur la construction répétitive d’un scénario qui évoque l’imaginaire du feuilleton, à coup de retournements de situation de plus en plus éculés, quand bien même ils visent à restituer l’instabilité des relations humaines.
Et pour cause : si le film de Fukada est présenté en France comme un diptyque, voire comme un unique long-métrage coupé en deux parties, il s’agit à l’origine d’une série télévisée de dix épisodes remontée pour le cinéma. Cela explique que Suis-moi je te suis et Fuis-moi je te suis semblent parfois se perdre dans des sous-intrigues superflues, comme lorsqu’au début du second volet, Tsuji rencontre un homme d’affaires qui lui propose de l’embaucher, avant de se révéler être un ancien amant d’Ukiyo avec lequel elle va décider de renouer. L’absurdité et la redondance des disparitions de la jeune femme finit par produire une sensation de grotesque, notamment à cause du jeu monolithique et caricatural de Kaho Tsuchimara, qui rejoue un certain nombre de stéréotypes de genre (la femme sans cesse éplorée, ne sachant pas ce qu’elle veut, impulsive et en proie à ses affects…). Si le diptyque déçoit, c’est aussi parce qu’il ne symétrise pas les perspectives des deux personnages comme il le promettait, échouant à faire vraiment droit au regard de son personnage féminin. Essoré par les quatre heures de film, on en sort avec une toute autre conviction que celle qui semble l’animer : en matière de psychologie, versatilité ne rime pas avec complexité.