Le personnage principal de Terminal Sud, un médecin incarné par Ramzy Bedia, reconduit chaque matin le même rituel : il subit un contrôle de police musclé, puis traverse une passerelle qui le conduit dans un autre bâtiment de son centre hospitalier. Ce docteur sans nom, présenté comme un homme continuellement contraint dans l’exercice de son métier, se voit de surcroît pris en étau entre deux groupuscules paramilitaires qui renvoient à deux factions opposées difficilement identifiables. Si ces deux forces sévissent au cœur d’un territoire que l’on peine à définir temporellement et géographiquement – il fait autant appel au souvenir de l’Algérie des années 1990 qu’à la France contemporaine –, elles convoquent un même imaginaire de terreur. Plusieurs scènes participent de cette indistinction que le film ménage tout du long : un journaliste tué d’une balle dans le dos évoque Charlie Hebdo, des enlèvements rappellent quant à eux le climat de terreur de la guerre civile algérienne, ou encore une scène de torture, citation explicite du conflit franco-algérien. C’est au sein de cet espace troublé que le médecin doit exercer son métier envers et contre tout, parfois au péril de sa vie. Cette résistance face à l’oppression prend dans la plupart des scènes la forme d’un parcours (pour rejoindre son lieu de travail, son logement, jusqu’à une habitation où il trouvera refuge) qui aboutit à sa fuite contrainte, à destination du « terminal sud » du titre, un pays au-delà de la Méditerranée que l’on soupçonne être l’Algérie.
Quelques détails de mise en scène étonnent au regard du cap politique que semble suivre le récit : alors que le médecin est enlevé par l’un des deux groupes armés afin de soigner leur compagnon blessé, la caméra s’attarde quelques secondes sur la poussière dispersée par le véhicule, au point que la route devient floue. Dans une configuration analogue, le bruit d’un camion-poubelle balayant des détritus recouvre progressivement un échange désenchanté entre le docteur et un ami. La terreur prend dans les deux cas la forme d’une abstraction visuelle ou sonore, privilégiant ainsi un ensemble de symptômes indéfinis plutôt qu’un regard analytique sur la situation. La représentation des groupes armés responsables du climat délétère est à ce titre parlant : il s’agit moins d’hommes combattant pour un idéal ou un but identifié que des ombres qui rendent la vie du médecin impossible, jusqu’à l’amener à commettre l’irréparable, lui qui pourtant s’était donné pour mission de sauver des vies. Cette volonté de coller presque systématiquement aux péripéties de son personnage principal constitue la réelle limite de Terminal Sud : en adoptant sa perception, le film tend à dépolitiser l’objet de la lutte de chacun par une décontextualisation de la situation, jusqu’à ce que la même résistance du médecin peine à se justifier pleinement. Plutôt que de procéder à un resserrement et à une mise à plat des enjeux de son film, Rabah Ameur-Zaïmeche opte ainsi pour un climat, un sentiment d’inquiétude.