Intriguée par l’article de Vanity Fair « Les suspects portaient des Louboutin », Sofia Coppola reprend à son compte le fait divers sur lequel Nancy Jo Sales a enquêté. The Bling Ring est le nom qui fut donné au groupe d’adolescents californiens qui dévalisèrent les maisons de leurs stars préférées, en scrutant leurs emplois du temps sur Facebook et en opérant le repérage des villas grâce à Google Earth. De la rencontre du groupe à leur procès, elle décrit le parcours de ces cinq adolescents qui pensent que les États-Unis « ont toujours eu un truc avec Bonnie et Clyde ».
Le sujet, fascinant, appelait bien un film, tant il aborde de front des questions propres à notre époque : des célébrités qui, à force de commenter pour la planète entière leurs propres faits et gestes jusqu’aux plus anodins, donnent le sentiment à quelques désaxés que leurs possessions sont des bien publics. Et, inversement, de jeunes anonymes qui atteignent la célébrité en enfilant simplement les atours de leurs idoles. Le tout sur fond de prolifération d’images qui mettent en scène la vie privée en l’abolissant dans un même mouvement.
Peut-on dire qu’à trop réussir son projet, Sofia Coppola rate complètement son film ? Car si son projet est de nous montrer la vacuité totale des adolescents qu’elle filme, le manque d’intérêt que suscite des célébrités aussi creuses que leurs dressings sont pleins, le caractère interchangeable des maisons de luxe, elle parvient tout à fait à manifester ce vide. Si son but est de nous faire vivre l’ennui profond et le manque de vie qui anime ses personnages, l’absence de hors-champ des dressings qui ne sont les antichambres d’aucun foyer, ou des parents, pauvres marionnettes stéréotypées, qui ne renvoient à aucune famille, alors oui, le projet de The Bling Ring est parfaitement réussi. On s’ennuie dès les premiers plans, on ne s’intéresse à aucun des personnages, interprétés pas des acteurs au charisme tout relatif. Mark, le seul garçon de la bande, qui se dit mal dans sa peau et complexé par son physique est bien entendu interprété par un acteur mignon à croquer et parfaitement lisse.
Sur un même mode et un même rythme, la cinéaste enchaîne des séquences de voiture, de cambriolage, de boîte de nuit, toutes filmées d’une identique façon. La mise en scène est parfaitement à l’image de la superficialité des agissements des personnages : un plan chasse l’autre, un plan en vaut un autre, tout comme les adolescents enchaînent les séances d’essayage dans leur chambre, dans les boutiques ou dans les garde-robes des stars. Seul le long plan pris d’une colline (de l’aveu de Sofia Coppola, imposé par le chef opérateur Harris Savides, auquel le film est dédié) embrassant simultanément les lumières de la vile, et la course d’une pièce à l’autre de Rebecca et Mark qui dévalisent une maison vide parviennent à captiver. En dehors de ces quelques secondes, de longues, longues séances de shoppings, entre lesquelles le film insère des images des comptes Facebook des protagonistes et de séances de tapis rouge des stars victimes de leurs vols. Mais là où Harmony Korine parvenait à faire jouer entre elles sa vision du Spring Break et la représentation diffusée en flux par MTV pour créer un profond malaise, Coppola ne produit aucun effet. C’est sans doute que ses propres images ont la fadeur de celles, qu’à trop vouloir dénoncer, elle n’interroge finalement jamais. Sa représentation de la vacuité de la jeunesse d’aujourd’hui se dilue dans les images télévisées qu’elle emprunte. Finalement, on n’aura rien vu de plus qu’un énième épisode d’Hollywood Stories portant sur un banal fait divers.