Depuis l’intérieur du tramway où se déroule l’action, la ville est absente du cadre ou apparaît tel un tableau abstrait sous l’effet du bokeh nocturne. En cherchant à faire le portrait de Jérusalem sans qu’on la voie, le dernier film d’Amos Gitaï met en place un programme a priori original et ambitieux, qu’il échoue à remplir en donnant le sentiment de dresser une liste dont il se contente de cocher les cases. On assiste ainsi à une multiplication de scène illustratives où « la ville sainte » apparaît comme une juxtaposition de religions mais aussi de musiques, de fantasmes et de conflits. Lorsque le film tente de créer une cohérence entre les scènes, il tombe constamment dans la sursignification, comme en témoigne ce raccord assimilant le chant d’un groupe religieux à celui d’une équipe de foot.
L’ennui de la répétition
Répétant inlassablement les mêmes motifs, Un tramway à Jérusalem pèche avant tout par la lourdeur de son dispositif. Plusieurs séquences – dont le systématisme et la sentimentalité excessive confinent au ridicule – finissent ainsi sur le plan d’un personnage en pleine introspection près d’une vitre, sur fond de musique mélancolique. Le conflit israélo-palestinien est évoqué de manière tout aussi appuyée, lors de deux scènes de contrôle policier où la discrimination envers la minorité arabe est sensationnalisée par le recours à une violence manifestement injuste et gratuite. Même les scènes potentiellement drôles tombent à plat en raison de leur réitération incessante (l’interview télévisée d’un homme qui ne cesse de se faire couper la parole ; celle où le personnage incarné par Mathieu Amalric persiste à louer le « climat » de Jérusalem à un couple qui lui vante les mérites de l’armée israélienne). Le film s’achève sur un visage de femme dissimulé par une longue crinière dorée, d’où n’émergent que des lèvres en train de déclamer un poème. La scène, entravée par son propre volontarisme, ne parvient pas à susciter l’étrangeté ou la poésie escomptées. Une fin qui est à l’image de tout ce qui l’a précédée, à savoir un film qui court vainement après l’âme d’une ville.