Ce film pour enfants aux allures de conte merveilleux s’inspire directement de Jumanji. Mais les spectaculaires péripéties du film de Joe Johnston se résument vite ici à quelques dégradations ménagères. Le film peine à trouver l’équilibre entre espace clos, infini et danger graduel, notamment en raison d’une réalisation peu investie qui se cache derrière ses coûteux trucages.
Dans Jumanji (Joe Johnston, 1995), deux gamins trouvent un jeu magique dont l’utilisation provoque l’invasion d’animaux sauvages, de plantes rampantes géantes et d’un chasseur fou qui saccagent les moindres recoins de leur petite bourgade. Ce spectacle, très efficacement mis en scène, à haute teneur divertissante, permettait alors de mettre en avant les phénoménales possibilités des images de synthèse, encore peu répandues à l’époque. Une dizaine d’années plus tard, le rayonnement des images de synthèse s’étant légèrement amoindri, sort sur nos écrans Zathura – Une aventure spatiale de Jon Favreau. Adapté du même auteur, Chris Van Allsburg, qui recycle à l’identique le principe scénaristique de Jumanji, le film troque la jungle contre l’univers du « space opera rétro », réduisant son argument visuel à une maison qui flotte à la dérive dans l’espace.
Ce choix d’éloigner la catastrophe le plus loin possible de la paisible vie citadine américaine apparaît comme caractéristique du cinéma hollywoodien post-11-Septembre qui, depuis cette date, paraît beaucoup plus réticent à détruire ses villes. Les images traumatiques du World Trade Center s’écroulant sur lui-même semblent avoir matérialisé le fantasme auto-destructeur du cinéma américain des années 90, dépassant la fiction par leur facture « authentique ». Réticent à reproduire cette image qui, au lieu d’amuser le public, risque désormais de lui rappeler de douloureux souvenirs, Hollywood privilégie le fantastique lointain et dépaysant : la trilogie du Seigneur des anneaux, les sagas Harry Potter, Star Wars et maintenant Narnia… Quant aux films plus proches de notre réalité, ils arborent un point de vue plus nuancé : New York (ou ses avatars cinématographiques) n’est endommagé que de quelques rames de métro (Spider-Man 2 de Sam Raimi, Batman Begins de Christopher Nolan) ou, à l’opposé, les catastrophes prennent des proportions gargantuesques (Le Jour d’après de Roland Emmerich) évitant de souligner l’anéantissement d’un monument en particulier. Les seules vraies images de destructions urbaines vues ces dernières années avaient plus une vocation cathartique que réellement divertissante (La Guerre des mondes de Steven Spielberg).
Zathura tente d’allier le concept du monde imaginaire avec la trame de Jumanji. Or, ce qui faisait l’intérêt de ce dernier, c’était la confrontation de deux univers totalement incompatibles (la nature la plus hostile et la petite ville la plus tranquille) et les ravages qu’elle provoquait. Ici, les deux gamins sont confinés dans l’espace clos de leur pavillon au milieu de l’espace interstellaire. Une nouvelle épreuve les attend après chaque lancer de dés, entraînant ainsi quelques dommages domestiques : une pluie de météorites troue leur plancher, un robot détraqué détériore le salon, un astronaute met le feu au canapé… On comprend vite l’aspect rébarbatif du scénario, voué à se répéter jusqu’à la fin. Et, sans quitter la maison, il paraît bien délicat de trouver des dangers intergalactiques qui puissent rivaliser avec les précédents, sans pour autant menacer d’anéantir la demeure. Malheureusement, Zathura mise tout sur ses trucages (comme Jumanji) qui, s’ils sont de très bonne facture, ne présentent qu’un intérêt limité tant la trame restreint leur possibilité d’expansion (à l’inverse de Jumanji). Le film est alors handicapé par le contraste évident qui démarque la qualité des moyens mis en œuvre pour les effets spéciaux et leurs chiches apparitions à l’écran, dévoilant une mise en scène dénuée d’enjeux visuels propres à ce genre d’intrigue (la dérive vers l’inconnu). Dans le jargon astronomique, on appelle ça un trou noir.