Minnie et Moskowitz était jusqu’à présent, avec Husbands, l’une des rares réalisations de John Cassavetes restées inédites en DVD en France. MK2 Vidéo corrige aujourd’hui le tir et offre une édition digne de ce nom à ce film emblématique de son œuvre, en proposant un double DVD contenant en suppléments un court-métrage de Luc Lagier et l’épisode de Cinéma de notre temps consacré à Cassavetes.
Minnie et Moskowitz fait partie de ces films de Cassavetes peu vus en France (où il a été rebaptisé Ainsi va l’amour), du fait d’une distribution parallèle dans les ciné-clubs et les festivals. Il n’a pas eu droit à une ressortie dans le circuit traditionnel, comme avaient pu en bénéficier au début des années 1990 cinq films marquants du cinéaste (Shadows, Faces, Une femme sous influence, Meurtre d’un bookmaker chinois, et Opening Night).
Minnie et Moskowitz n’était pas plus visible en DVD, et constituait avec Husbands l’un des rares films inédits en France de Cassavetes, dont les éditions les plus prestigieuses ont paru dans la célèbre collection américaine Criterion, qui allie restauration soigneuse des films et suppléments pertinents (voir à ce titre l’édition de Meurtre d’un bookmaker chinois qui propose les deux montages du film, datant respectivement de 1976 et 1978).
Malgré des photos de tournage laissant penser que certaines scènes ont été tournées sans avoir été ensuite incorporées dans le montage final, on ne connaît en revanche de Minnie et Moskowitz qu’une version, le bon rythme et le bon équilibre ayant été trouvés tout de suite.
Comme d’habitude chez Cassavetes, ce n’est pas dans le scénario que réside l’intérêt du film (l’histoire est ici d’une simplicité extrême, comme toute bonne slapstick comedy digne de ce nom), mais dans le traitement de celui-ci, sa mise en scène laissant un grand champ d’action aux acteurs (ici deux membres de la famille Cassavetes : Seymour Cassel et Gena Rowlands, dont la mère à la ville incarne également ici la mère à l’écran, celle de Moskowitz étant quant à elle interprétée par la mère de Cassavetes).
Une histoire d’une simplicité extrême, donc : Seymour Moskowitz, beatnik vieillissant et marginal, travaillant comme voiturier dans des parkings, quitte New York pour Los Angeles (à l’image de Cassavetes himself), où il croise un jour la route de la jolie Minnie Moore, jeune femme moderne, employée au Musée d’art moderne de la ville, qui vient de se faire plaquer par son petit ami (un homme marié dont elle était la maîtresse). Une fois qu’ils se seront croisés, Minnie et Moskowitz ne se lâcheront plus : ce couple improbable (ces deux personnes n’ont a priori rien à faire ensemble, tant socialement tout semble les éloigner) va rapidement trouver son ferment dans le conflit, lors de disputes hystériques et de bagarres où tous deux finissent littéralement au tapis. Après une scène en compagnie de leurs mères (toutes deux veuves) – scène hilarante, où le pauvre Seymour se voit sans cesse rabaissé par sa mère juive, qui ne voit en lui qu’un incapable – Minnie et Moskowitz vont se marier. Suit une longue ellipse, au terme de laquelle nous les découvrirons à la tête d’une grande famille, aussi joyeuse qu’improbable.
Pour bien comprendre la place que vient prendre Minnie et Moskowitz dans la filmographie et le parcours de Cassavetes, on se penchera sur le premier supplément compris dans cette édition, réalisé pour l’occasion : d’une durée de 25 minutes, Amours vagabonds, réalisé par Luc Lagier, est une brillante étude du film ainsi qu’un juste portrait du cinéaste.
Le deuxième disque renferme quant à lui le célèbre épisode de la série Cinéma de notre temps consacré à John Cassavetes. Dans la première partie du film, André S. Labarthe et Hubert Knapp sont partis à la rencontre du réalisateur chez lui, dans sa maison-studio-salle de montage de Hollywood, où il est en train de peaufiner Faces. Cassavetes apparaît alors comme un homme débordant d’énergie et d’idées, indépendant, libre. La seconde partie est une interview enregistrée à Paris, en 1968, soit trois ans plus tard. Moins volubile qu’à Hollywood, Cassavetes a entre-temps achevé Faces, et on peut sentir dans sa façon plus posée de s’exprimer qu’il y a laissé beaucoup de forces. Afin de financer la post-production de son film, il a fait l’acteur (c’est initialement de ce côté-là de la caméra qu’il s’est d’abord fait un nom, en interprétant notamment le rôle-titre de la série Johnny Staccato).
Ultime bonus, la bande-annonce américaine d’époque, qui mettait en avant le côté slapstick comedy du film, permet de constater qu’il reçut un très bon accueil critique à sa sortie, comme en témoignent les nombreuses citations dithyrambiques tirées de chroniques de grands magazines US.