© Jacques Perconte / Arnaud Fournier
Des nouvelles de Jacques Perconte
Cet article fait partie du dossier Cinéma français : prendre le pouls

Des nouvelles de Jacques Perconte

Des nouvelles de Jacques Perconte

Comme un brasier


Comme un brasier

Deux ans après Silesilence, l’un de ses films les plus abrasifs, et quelques mois après Marée Métal, ambitieuse installation multi-écrans présentée l’été dernier au Lieu Unique à Nantes, Jacques Perconte a signé deux vidéoclips, pour le morceau post-rock « 100% Black Puzzle » d’Arnaud Fournier et celui, techno avant-gardiste, de Peter Van Hoesen, « Twilight Static Dilemma ». À la manière de Chuva (Madeira), le premier s’ouvre sur un îlot qui rompt la ligne d’horizon dessinée par la mer. Outre les compressions fétiches du plasticien, qui viennent reconfigurer l’appréhension de l’espace (en faisant se confondre dans un magma de pixel la mer et le ciel, le haut et le bas ou encore le premier et l’arrière-plan), Perconte a recours à une série de surimpressions produisant des images rarement vues dans son cinéma, où de brutales collisions (via les compressions) se couplent à des transparences très délicates (pour les surimpressions). Dans cet amas brumeux, des volutes de fumée finissent par émerger avant qu’un panoramique ne dévoile l’incendie dont elles proviennent. Des oiseaux volent alors entre les flammes, tandis que la musique s’embrase à son tour. Brûlante et cauchemardesque, l’image est un brasier : un lieu de combustion turbulente où la matière se transforme et s’évapore, comme un incandescent mirage ouvrant sur un ultime retour au calme. Que restera-t-il « après le feu » ?

Le clip que Perconte a réalisé pour Peter Van Hoesen, qui débute à la manière de SileSilence, baigne dans la même atmosphère brûlante. Des plans du port industriel de Rotterdam, où le cinéaste réside, se teintent de rouge avant que l’image ne tende vers une sorte d’abstraction frémissante. Elle paraît là aussi s’évaporer en des traînées verticales de pixels, avant un ultime plan sur une cheminée crachant du feu. En trois minutes, le film se métamorphose alors en une toile plastiquement hallucinante : tandis que les flammes viennent en permanence redéposer des touches de rouge à des endroits différents dans la zone centrale de l’image, une masse de pixels tournoie tout autour pour former un maelström apocalyptique peu à peu traversé par le vol des oiseaux. Si l’on a longtemps comparé sa technique à un processus de liquéfaction (Impressions, Le Tempestaire), de tissage (Ettrick), ou de glissement de terrain (Avant l’effondrement du Mont Blanc), Perconte montre qu’une voie nouvelle est encore possible, trente ans après le début de son œuvre : la compression numérique est aussi un embrasement.

Les deux vidéoclips sont disponibles gratuitement sur YouTube.

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