[Compétition internationale]
Le contenu de la programmation ne laissait guère planer le doute : les États-Unis vont être autopsiés sous toutes les coutures en cette année édition 2009, la fin de l’ère Bush évidemment (Redemption de Sabrina Wulff, Americana de Topaz Adizes) ainsi que la fameuse crise qui n’en finit plus de se déployer (Below Sea Level de Gianfranco Rosi), là-bas et ailleurs. California Company Town n’a pas fait l’unanimité, mais les convaincus ont appuyé franchement leurs applaudissements. Il s’agit d’une visite stupéfiante de cet État qui personnifie l’étape ultime de la conquête du territoire et de l’American dream. De villes déchues en contrées vidées de toute présence humaine, Lee Anne Schmitt expose les affres du libéralisme et de la privatisation des lieux : villes fantômes, nature pillée et contaminée, friches industrielles, complexes militaro-industriel de la guerre froide aujourd’hui désaffectés. Autant d’espaces qui ne durent que le temps du profit et qui semblent avoir été vampirisés et dévitalisés, comme atteint d’un invisible et terrifiant virus toxique.
Le propos est osé, proche d’une radicalité que l’esthétique accentue. Une voix-off dirige l’itinéraire, elle présente froidement le pedigree de sites bâtis par les compagnies privées qui allaient jusqu’à détenir le seul syndicat autorisé. Seuls quelques travellings viennent rompre la fixité des images en 16 mm ; les lieux sont remarquablement saisis, grâce à un sens du cadre et de la durée. La démarche, tout à fait assumée, renvoie clairement aux films politiques et contestataires des années 1960 et 1970. En faisant appel à l’esthétique des propagandes commerciales des années 1950 (dont le moindre n’est pas le film promotionnel narré par Ronald Reagan et financé par une compagnie pétrolière), un jeu de miroir et de contrepoint iconographique s’organise. La matière sonore bruitiste et entêtante, ponctuée de discours édifiants contredits par l’image, accentue l’idée de cauchemar. La déambulation aboutit dans la Silicon Valley, lieu propret et prospère de l’utopie des hautes technologies faisant suite à celle de l’industrie. Et il faudrait être bien naïf pour y voir la promesse d’un avenir radieux.