Pour son premier long-métrage documentaire, l’Américaine Lee Anne Schmitt porte un regard sur les paysages des villes californiennes abandonnées par les industries qui les ont créées. La réalisatrice nous présente le rêve américain de manière crépusculaire. Elle met constamment en rapport des discours radiophoniques – sur la force des entreprises US ou relevant du religieux – et des symboles de la grande Amérique avec des plans des anciennes villes industrielles dévastées et vidées de leurs âmes. Ce dispositif fonctionne à merveille car il permet de signifier avec force les mensonges du capitalisme le plus extrême. Ici, l’humain est absent car il a disparu avec la fermeture des grandes enseignes. Il ne fait que planer sur des espaces vidés. Les slogans qui proviennent d’un passé glorieux hantent un ensemble d’espaces fantomatiques, la voix de la réalisatrice/narratrice accentuant le sentiment crépusculaire de l’œuvre, par son ton monotone et désabusé. Surtout, l’utilisation d’un format 16mm, qui relève de l’intemporel, permet de souligner le caractère désuet du rêve américain et renforce l’impression d’abstraction émanant de la vision de ces villes fantômes. Cette œuvre réussie alors à signifier avec talent le côté morbide et dévastateur du libéralisme économique, lorsque celui-ci n’a vraiment que faire de l’humain.