[Compétition internationale]
La Chine est encore loin en effet, puisqu’il est question de l’Algérie, de son présent, des blessures de son passé et de la projection vers son futur. Le titre fait référence à un haddith de Mahomet, celui-ci y exhorte ceux qui veulent savoir à ne pas hésiter à partir, jusqu’en Chine si besoin. Avant un dernier plan allégorique et pessimiste, la question du départ et de l’exil est sous-jacente, elle constitue le sous-texte permanent de ce film basé sur les question du devenir et de la difficile transmission du savoir et de la mémoire. Le cinéaste filme l’obsession algérienne de la construction d’une identité nationale, pour cela la mémoire de la révolution est déclinée sous de nombreuses formes : les données collectives (commémorations, enseignement…), familiales et individuelles (ce sont souvent des petits-enfants de combattants) sont convoquées. Malek Bensmaïl renvoie à une réalité algérienne extraordinairement complexe, notamment d’un point de vue culturel : les traces de l’acculturation française, le fait d’être arabo-musulman et l’identité berbère (la langue amzighe) dans les Aurès.
Le centre de gravité géographique de La Chine est encore loin est double. Le premier est la petite ville de Gharissa, située dans les Aurès. Cette dernière est chargée d’histoire pour avoir été le berceau de la révolution, notamment avec le meurtre de Monnerot, l’instituteur qui y enseignait, en 1954. Le second est une classe de jeune gens qui voient l’adolescence se profiler. Un père qui rêve de se marier à une française, la femme de ménage de l’école et un marginal entrent aussi dans l’espace du film. On apprécie la capacité de Malek Bensmaïl à transcrire la beauté des paysages de cette région reculée ; les couleurs chaudes, les ocres, les jaunes, puis l’azur immaculé du ciel. Le talent de captation des visages, l’usage du gros plan est très fréquent, renvoie à cette beauté rude d’une jeunesse touchée par une dynamique centrifuge qui ressemble à une fatalité dans un pays guetté par le désœuvrement.