Mia Hansen-Løve a rencontré Humbert Balsan peu avant sa mort en 2005, alors qu’elle préparait son premier long-métrage Tout est pardonné ; il lui avait alors proposé, enthousiaste, de produire son film. Avec Le Père de mes enfants la jeune réalisatrice rend hommage sans jamais le citer à l’homme qui, parmi les premiers, crut en son talent ; elle livre du même coup un vibrant plaidoyer pour cette profession risquée, peu rétribuée et absolument nécessaire, qu’est la production indépendante.
Ne nous y trompons pas : avec ce deuxième film, qui confirme les qualités éblouissantes entrevues dans le premier, Mia Hansen-Løve ne s’embarque pas dans un énième biopic ; sans prétention biographique, la réalisatrice s’inspire de la vie et de la mort de Balsan pour imaginer, en toute liberté, une œuvre de fiction. Elle y raconte l’histoire de Grégoire Canvel, producteur charismatique amoureux fou du cinéma et prêt à tout pour promouvoir l’art auquel il croit. Marié à une femme qu’il adore, entouré de trois enfants délicieux, sa vie vacille entre l’effervescence de ses heures de travail et de douces parenthèses familiales, passées dans une maison de campagne à deux heures de Paris. Mais la maison de production de Grégoire croule sous les dettes et ce dernier finit par glisser doucement, à l’insu de tous, dans un désespoir qui n’aura pas de retour.
Construit en deux parties, Le Père de mes enfants est un film sur la trace, sur tout ce qui survit à la mort et continue d’exister dans la solitude du deuil, bien au-delà du coup d’arrêt qui prend ici la forme d’une détonation sèche et brutale. Comme dans Tout est pardonné, Mia Hansen- Løve parle de la mort et du désespoir avec une clarté paisible, manifestant un goût pour l’ellipse et pour l’inachevé qui traversait déjà son premier film. Elle invoque à nouveau l’épure de Bresson tout en évitant la facilité d’un style néo-bressonnien excessivement froid et elle impose un style ample et maîtrisé, d’une remarquable maturité. Toujours très simple, avec un talent indéniable pour le dialogue juste, Mia Hansen-Løve filme avec grâce la beauté des choses, d’une luminosité parfois décalée, frémissante de vie jusque dans le malheur.